Il arrive qu’aucune faute ne puisse être reprochée à l’un des skieurs, ne serait-ce que parce que les circonstances de la collision sont indéterminées. / Riff/Cartoonbase / Photononstop

SOS Conso. En cas de collision, la victime qui souhaite se faire indemniser de son préjudice doit montrer que celui qui l’a heurtée a commis une faute. La faute s’apprécie par rapport aux règles de la pratique du ski alpin, énoncées par la Fédération internationale de ski : il y a faute si, notamment, le skieur ne maîtrise pas sa vitesse, ou que, venant de l’amont, il ne donne pas la priorité au skieur en aval. L’auteur de l’accident, pour sa part, tentera de démontrer qu’il est imputable à une faute d’imprudence de la victime, comme dans l’exemple suivant.

Amont et aval

Le 20 février 2009, une adolescente, Françoise X (prénoms inventés), est percutée par une autre, Gaëlle Y, alors qu’elles se trouvent sur une piste rouge. Françoise est grièvement blessée. En janvier 2013, les parents de Françoise assignent la mère de Gaëlle et son assureur. Ils recherchent leur responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil. Ils affirment que Gaëlle, qui se trouvait en amont, a commis une faute en ne choisissant pas une trajectoire qui assurait la sécurité de la skieuse en aval.

Gaëlle répond que Françoise est responsable d’une imprudence à l’origine du sinistre, du fait qu’elle se serait arrêtée au milieu de la piste de ski, ce qu’il faut toujours éviter de faire.

Responsabilité pour faute

Le tribunal de grande instance d’Alès (Gard) qui statue le 26 avril 2016, constate toutefois qu’« il résulte des déclarations des personnes entendues par les gendarmes », notamment d’un témoin, Thomas Z, doublé par Gaëlle, que celle-ci « allait très rapidement », et qu’elle semblait « apeurée », « ne maîtrisant visiblement pas sa vitesse ». Trente mètres au-dessous de Thomas Z se trouvaient un skieur adulte – le père de Françoise –, que Gaëlle Y a réussi à éviter, et, encore plus bas, Françoise, « qui n’était pas à l’arrêt », et que Gaëlle a percutée par l’arrière.

Le tribunal juge que Gaëlle « a commis deux fautes qui sont les causes directes de l’accident » : premièrement, « alors qu’elle arrivait de l’amont, elle a percuté un skieur qui se trouvait en aval, sur une piste qui se rétrécissait », deuxièmement, « elle évoluait à une vitesse trop importante, déduite de la violence du choc relevé, elle a perdu le contrôle et n’a donc pas été en mesure de maîtriser sa trajectoire de manière à éviter de percuter Françoise ».

Il condamne la mère de Gaëlle et son assureur à payer quelque 100 000 euros à la MSA (Mutuelle sociale agricole), ce que confirme la cour d’appel de Nîmes, le 24 janvier (2019).

Responsabilité sans faute

Il arrive qu’aucune faute ne puisse être reprochée à l’un des skieurs, ne serait-ce que parce que les circonstances de la collision sont indéterminées. Dans ce cas, la victime peut assigner celui dont les skis ou le snowboard l’ont heurtée, sur le fondement de l’article 1384 du code civil, aux termes lequel « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». Le skieur ou le surfeur est en effet le « gardien » de ses skis ou de sa planche. Si ces derniers causent un dommage, sa responsabilité peut être engagée.

C’est ce qui se produit dans l’exemple suivant : Mme X, grièvement blessée lors d’une collision avec M. Y, sur une piste de la station de Combloux (Savoie), assigne celui-ci sur le fondement de l’article 1382 et, subsidiairement, sur le fondement de l’article 1384.

Causes indéterminées

Elle assure que, vu l’emplacement de ses blessures (au dos et sur le côté droit), elle a été percutée par l’arrière par M. Y ; mais elle ne peut certifier qu’il venait de l’amont. Celui-ci ne se souvient pas non plus des circonstances de l’accident. Plusieurs témoins indiquent que « Mme X et M. Y ont glissé ou roulé ensemble sur une cinquantaine ou plusieurs dizaines de mètres et qu’ils se sont retrouvés entremêlés ou enchevêtrés ».

La cour d’appel de Chambéry, qui statue le 4 février 2016, juge que, « les circonstances de l’accident étant indéterminées, aucune faute ne pourrait être reprochée à M. Y », et que « le tribunal de grande instance de Bonneville a, à juste titre, écarté la responsabilité de ce dernier sur le fondement de l’article 1382 ».

Néanmoins, elle retient la responsabilité de M. Y « du fait de ses skis », sur le fondement des dispositions de l’article 1384-1 du code civil, « non seulement en raison de l’indétermination de l’accident », mais aussi « à cause du rôle actif et perturbateur joué par ces derniers », qui ont provoqué de multiples blessures.