Marine Le Pen au Salon de l’agriculture, avec la vache Imminence, égerie de l’édition 2019, jeudi 28 février. / JACQUES DEMARTHON / AFP

« Le premier qui titre “la vache du Nord”, je le tue. » Marine Le Pen a rejoint Imminence dans son box star, royalement installé dans le hall d’honneur du Salon de l’agriculture. La bleue du Nord, égérie de l’édition 2019, reste imperturbable sous les crépitements des flashs. Plus de 700 kg, une robe mouchetée gris-bleu et un flegme salué par Marine Le Pen elle-même : « Elle est comme moi, elle est sereine. Vous n’arriverez pas à l’agacer. »

La présidente du Rassemblement national (RN) déambule dans sa zone de confort, jeudi 28 février. La ruralité, les « oubliés », « c’est chez moi », proclamait-elle au même endroit, l’an dernier. D’autant plus depuis que les « gilets jaunes » sont passés par là.

« L’argent des Français doit aller plutôt aux paysans qu’aux migrants »

Dans les travées, d’incessants selfies accompagnent sa flânerie. Marine Le Pen profite de ce rendez-vous politique obligé pour délivrer quelques « messages aux Français », et faire résonner son couplet anti-immigrés, ici décliné en « l’argent des Français doit aller plutôt aux paysans qu’aux migrants ». Entre une vache et deux micros tendus, elle attaque tous azimuts « les accords de libre-échange passés dans l’opacité », les « agriculteurs français sacrifiés pour les voitures allemandes », « l’idéologie mortifère » de l’Union européenne…

Une sortie de campagne

« Ben qu’est-ce qu’elle fait là ? Ça rapporte des voix ça ? », s’étonne un visiteur en brandissant son téléphone au-dessus de la nuée pour tenter d’apercevoir qui se cache sous les caméras. Pas de doute, à moins de trois mois du scrutin européen, il s’agit bien d’une sortie de campagne pour Marine Le Pen, entourée de sa fidèle tête de liste de 23 ans, Jordan Bardella, de sa caution écolo à la ligne très identitaire, Hervé Juvin, et de sa prise de guerre à la droite traditionnelle, l’ancien ministre Thierry Mariani, qui l’a rejointe.

La patronne de l’extrême droite française n’oublie d’ailleurs pas de défier son principal adversaire : le chef de l’Etat. Alors que les derniers sondages placent la liste du RN au coude à coude avec celle de La République en marche, Marine Le Pen joue le face-à-face en multipliant les attaques. « Macron va-t-il “alstomiser” l’agriculture française, c’est-à-dire la livrer aux prédateurs ? », fulmine-t-elle avant d’accuser le président français de mettre en place un « plan social massif » dans la filière agricole.

« Dehors, vous êtes la honte de la France ! », ose discrètement un retraité parisien venu caresser quelques animaux avec ses petits enfants. Sa voisine l’a entendue dans l’allée et fonce lui dire le fond de sa pensée. Elle a voté Le Pen et s’il n’est « pas content », il n’a qu’à aller regarder les vaches d’à côté. « Non mais j’ai pas dit ça, c’est pas moi… », répond le retraité déconfit, un petit agrippé à chaque main.

« C’est à nous que va revenir le rôle de sauver les agriculteurs français », assure Marine Le Pen, rassérénée par un accueil plus qu’hospitalier. « Ah ça c’est sûr que l’attention est plus sur elle que sur nous », soupire un éleveur laitier. Un chapeau de paille clamant qu’il voit « la vie en Vosges » rivé sur le crâne, François Grandvallet n’a rien contre la venue de la délégation d’extrême droite au Salon de l’agriculture. Mais « faut faire gaffe », prévient-il : « Elle modère son langage aujourd’hui, mais elle était quand même pour le Frexit la Le Pen ! » Une position qui ne rassurait guère l’éleveur laitier. « Les aides de la PAC, c’est pas insignifiant pour nous. L’Europe, faut y rester ! » Son ami Bernard acquiesce. L’Europe, « pas besoin d’être un grand économiste pour comprendre » que c’est « tout bénef » : « Depuis qu’il y a l’Union européenne, y a plus de guerre entre nous quand même ! »