« Menteur », « raciste » et « escroc » : l’audition explosive de Michael Cohen, ancien avocat de Trump
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C’est l’attraction politique de la semaine à Washington. Depuis mardi, l’ancien avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen, se livre à un marathon d’auditions parlementaires, pour évoquer son travail sous les ordres du président américain durant dix ans. Mercredi 27 février, des millions de téléspectateurs ont pu suivre en direct son témoignage, à l’affût de nouvelles révélations sur la présidence Trump. Une audition aux conséquences pourtant limitées.

  • Pourquoi Michael Cohen témoigne-t-il ?

En septembre 2017, Michael Cohen se disait prêt à « prendre une balle » pour Donald Trump, dont il était devenu le bras droit après être entré en 2006 dans la Trump Organization. Mais l’ancien avocat personnel du président américain a depuis retourné sa veste, et est devenu l’un des témoins les plus menaçants pour Donald Trump.

Après une perquisition dans ses bureaux par le FBI au printemps dernier, Michael Cohen, 52 ans, a accepté de coopérer avec les équipes de Robert Mueller dans le cadre de l’enquête sur les soupçons de collusion entre la campagne de Donald Trump et la Russie. L’ancien avocat new-yorkais a également reconnu avoir menti aux sénateurs en 2017 sur le projet de Trump Tower à Moscou – il avait nié que des discussions à ce propos s’étaient tenues en pleine campagne présidentielle de 2016. Pour protéger le président, dit-il aujourd’hui. Une demande implicite de Donald Trump, affirme Michael Cohen, même si celui-ci ne lui aurait jamais demandé directement de mentir à ce sujet.

Radié du barreau, Michael Cohen a été condamné en décembre à trois ans de prison pour parjure devant le Congrès et infraction au code électoral et pour fraude fiscale. Il sera incarcéré le 6 mai. Mais avant cela, l’ancien avocat a tout intérêt à se faire entendre. Tout nouvel élément utile aux enquêteurs pourrait encore lui valoir une réduction de peine, comme il l’a reconnu mercredi.

Une opportunité que n’ont pas laissé passer les démocrates, désormais majoritaires à la Chambre des représentants. Ceux-ci ont convoqué début janvier Michael Cohen pour une audition devenue un objet politique en elle-même. Le choix d’auditionner une personnalité publique n’a rien d’exceptionnel à la Chambre – chaque année, plusieurs centaines de personnes sont auditionnées par des commissions parlementaires. En revanche, ces témoignages ont souvent un fort écho médiatique, ce qui en fait un coup politique d’importance pour les démocrates.

Pourquoi les Américains raffolent des auditions parlementaires
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  • Pourquoi trois auditions en trois jours ?

Le premier acte a eu lieu, mardi, devant les sénateurs spécialistes du renseignement. La puissante commission du renseignement a échangé pendant neuf heures à huis clos avec l’ancien proche du président. En revanche, le deuxième acte a été public, mercredi, devant la commission de contrôle de la Chambre des représentants. Les six heures d’échanges intenses entre les élus et l’intéressé ont été retransmises en direct, et ont donné lieu à des déclarations-chocs de la part du principal intéressé, particulièrement prodigue en la matière.

Enfin, Michael Cohen témoigne jeudi devant la commission du renseignement de la Chambre, à huis clos, pour parler du sujet le plus sensible : les contacts entre l’équipe Trump et des Russes durant la campagne de 2016, et une éventuelle collusion pour battre Hillary Clinton. Une collusion démentie continuellement par le vainqueur de l’élection, qui dit faire l’objet d’une « chasse aux sorcières ».

Initialement, ces auditions ne devaient pas nécessairement être aussi rapprochées. Mais elles ont été reportées à plusieurs reprises, Michael Cohen ayant affirmé avoir reçu des « menaces » contre sa famille après avoir regretté publiquement d’avoir couvert les « sales coups » et les « crimes » de son ex-patron.

  • Quels sont les enjeux de ces auditions ?

Au-delà du coup politique pour les élus démocrates, l’audition de Michael Cohen remet une nouvelle fois au centre de l’attention médiatique les différentes affaires qui inquiètent Donald Trump depuis le début de sa présidence, que ce soit les soupçons d’ingérence russe dans sa campagne, les accusations de fraudes ou encore les affaires de mœurs. Un nouveau portrait à charge dont se serait bien passé le président, dont l’image est déjà largement écornée, notamment sur la scène internationale.

Les partisans du président ont d’ailleurs eu du mal à cacher leur nervosité avant l’audition de l’ancien avocat, véritable tribune à charge contre Donald Trump. Le parlementaire de Floride Matt Gaetz a adressé à M. Cohen un message qui a fait grand bruit sur Twitter. « Votre femme et votre beau-père sont-ils au courant pour vos maîtresses ? Ce soir serait peut-être le bon moment pour cette conversation », a-t-il écrit, avant de nier devant la presse avoir voulu intimider le témoin.

Reste que Michael Cohen a montré mercredi, face à la commission, qu’il avait relativement peu d’armes contre le président. Conscient que ses propres mensonges devant la Chambre voilà deux ans ont réduit le crédit de sa parole, l’ancien avocat a produit quelques documents pour appuyer certaines de ses accusations, ou précisé des informations déjà en partie connues. Mais Michael Cohen n’aura finalement pas fait de révélation-choc – ce qu’attendait une partie de l’opinion publique américaine.

Cette série d’auditions pourrait en revanche être le prélude à de nouveaux développements. M. Cohen a ainsi affirmé, mercredi, que des enquêtes étaient en cours sur d’autres affaires touchant les finances du président. Les démocrates ont promis de s’intéresser aux déclarations fiscales de M. Trump et à de possibles conflits d’intérêts avec des puissances étrangères.

Surtout, le procureur spécial Robert Mueller est sur le point de rendre les conclusions de son enquête sur une possible interférence de la Russie dans l’élection présidentielle de 2016. Si Michael Cohen ne semble pas, pour l’heure du moins, avoir révélé l’existence de preuves pouvant compromettre Donald Trump, son témoignage ne fait qu’augmenter l’attente de ce rapport. Un document que les Républicains vont tout faire pour minimiser. Le président démocrate de la commission du renseignement de la Chambre, Adam Schiff, a déjà prévenu qu’il pourrait alors convoquer Robert Mueller au même endroit, devant une commission, pour témoigner lui-même. Ce qui serait une audition bien plus cruciale que celle de Michael Cohen.