Certains parlementaires de tous bords, scandalisés par les pourcentages que réclament les généalogistes aux futurs héritiers, souhaitent que leur rémunération soit encadrée par un barème. / Charlie Abad / Photononstop

SOS CONSO Le 29 avril 2013, Frédéric et Sébastien X reçoivent une bonne et une mauvaise nouvelle : la bonne, c’est qu’ils sont les héritiers d’un défunt. La mauvaise, c’est que pour en savoir plus, ils doivent signer un contrat de révélation de succession, leur imposant de verser « 35 %, hors taxe, TVA à 19,6 % en sus, des sommes à percevoir », à l’étude généalogique Dominique Masson.

Ils refusent de signer, se doutant que c’est leur oncle Didier, avec lequel ils n’entretenaient plus de relations, qui est décédé. Ils vont directement voir le notaire, auquel ils font part de leur mécontentement : pourquoi a-t-il mandaté un généalogiste pour les retrouver, alors qu’il est censé établir la filiation des héritiers jusqu’au sixième degré, et qu’en leur qualité de neveux du défunt, ils étaient parents au troisième degré ? Ils n’obtiennent pas de réponse.

Le généalogiste, lui, les assigne, sur le fondement de la « gestion d’affaires », régime qui l’autorise à se faire rémunérer par une personne qui ne l’a pas mandaté, s’il prouve qu’il a bien défendu ses intérêts. Pour obtenir la part de l’héritage à laquelle il estime avoir droit, il affirme que son intervention a été « utile » : c’est grâce à elle que les neveux ont été informés du décès de leur oncle.

Pourcentages scandaleux

Le tribunal de grande instance de Béthune, qui statue le 21 juin 2016, le reconnaît. Il en déduit que le généalogiste a droit à la rémunération prévue par l’article 1375 du code civil, qui énonce que « le maître dont l’affaire a été bien administrée doit remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom, l’indemniser de tous les engagements personnels qu’il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu’il a faites. »

Le tribunal observe toutefois qu’en vertu de cet article, seules, « les dépenses utiles ou nécessaires » du généalogiste doivent être prises en compte. Or, constate-t-il, l’étude Masson réclame un pourcentage de l’héritage à venir, soit « une somme forfaitaire non chiffrée », sans fournir de justificatifs du temps passé sur l’affaire ou des frais engagés (accès aux archives, déplacements…). Faute de pouvoir apprécier si cette « somme indéterminée » correspondrait aux dépenses « utiles ou nécessaires », le tribunal rejette sa demande. La cour d’appel de Douai fait de même, le 1er juin 2017, et la Cour de cassation valide sa décision, le 30 janvier (2019) : le généalogiste doit présenter les justificatifs qui fondent ses prétentions financières.

Temps de recherche

Et pour cause : si ces justificatifs prouvent qu’il a passé peu de temps sur une recherche, alors qu’il réclame d’importants honoraires, les tribunaux peuvent réduire ces derniers, en les jugeant « excessifs au regard du service rendu ». La Cour de cassation a énoncé ce principe dès le 5 mai 1998, et l’a constamment rappelé. Elle a, le 23 mars 2011, validé un arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait réduit de 40 % à 12 % de l’actif successoral, les honoraires réclamés par le cabinet Aubrun-Delcros-Delabre à des héritiers.

Plusieurs parlementaires de tous bords, scandalisés par les pourcentages que réclament les généalogistes aux futurs héritiers, souhaitent que leur rémunération soit encadrée par un barème. Le ministère de la justice refuse de donner suite. Il estime que « leur activité obéit d’ores et déjà à des règles suffisamment strictes ».