Lors d’une manifestation de Jordaniens, en juin 2018, à Amman. / Ammar Awad / REUTERS

« Sans aucun doute, les dernières années ont été exceptionnellement difficiles. » La communauté internationale n’a pas donné tort au roi Abdallah II de Jordanie, qui s’exprimait ainsi, jeudi 28 février, à Londres, à l’occasion d’une grande conférence destinée à soutenir l’économie de son pays. Durement malmené par les tumultes du Moyen-Orient, le Royaume hachémite est à la recherche de fonds pour renflouer ses caisses et financer divers projets d’investissement.

Les promesses de soutien financier ont afflué lors du raout londonien, auquel participaient les pays du G7, les Etats du Golfe, les grandes organisations multilatérales et des membres du secteur privé, sous le patronage du gouvernement britannique. La France, à elle seule, a mis 1 milliard d’euros sur la table, sous forme de prêts et subventions, pour la période 2019-2022. « En termes géopolitiques, la Jordanie est fondamentale pour la stabilité de la région, souligne, à Bercy, un haut fonctionnaire, qui suit de près le dossier. Le pays fait face à une situation sociale compliquée. On s’est dit qu’il fallait l’aider à faire un “reset”. »

Importante dette, chômage élevé

Dépourvue de ressources naturelles, la Jordanie ploie sous une dette atteignant 96 % de son produit intérieur brut (PIB). Elle affiche un taux de chômage record, de 18 % et jusqu’à 39 % chez les jeunes. De lourds handicaps résultant de faiblesses structurelles, mais aussi de crises extérieures, dont le pays a subi de plein fouet les répercussions.

Ces dernières années, ses deux principaux marchés d’exportations, la Syrie et l’Irak, se sont effondrés sous le coup des guerres et de l’instabilité. En même temps, le royaume a accueilli 1,3 million de réfugiés syriens, soit l’équivalent de 20 % de sa population. « Il est logique que les donateurs viennent au chevet de la Jordanie, puisque le pays paie le prix de problèmes qui ne sont pas spécifiquement jordaniens, estime Ahmad Awad, directeur du Phenix Center, un cercle de réflexion d’Amman. Le gouvernement est conscient que l’argent promis à la conférence de Londres ne pourra certainement pas résoudre tous les problèmes, mais il a besoin d’aide, car il travaille sous une forte pression sociale. »

En juin 2018, un vaste mouvement de contestation avait secoué le pays. Des manifestants avaient défilé dans une cinquantaine de villes pour protester contre la sévérité d’un programme d’ajustement mené sous la houlette du Fonds monétaire international (FMI) et prévoyant toute une série de hausses d’impôt. En 2016, le FMI a accordé à Amman une ligne de crédit de 723 millions de dollars (635 millions d’euros) afin de remettre l’économie à flot.

Une prévision de croissance à 2,5 % en 2019

Pour désamorcer les tensions, le roi a nommé un nouveau premier ministre, Omar Al-Razzaz, un ancien économiste à la Banque mondiale. Mais la grogne ne s’est pas tout à fait éteinte. Soucieux de montrer que l’horizon n’est pas bouché, M. Al-Razzaz affirme que l’économie commence à repartir. « Même les chiffres de nos exportations montrent, mois après mois, une progression, spécialement avec l’Irak », indiquait-il, mardi 26 février, dans un entretien accordé à Reuters.

Pour 2019, le FMI prédit une croissance de 2,5 %. Loin, toutefois, du rythme de 6,5 % par an enregistré, en moyenne, au début des années 2000. Le vrai défi, pour la Jordanie, consiste désormais à trouver un modèle économique qui la rende moins dépendante de l’aide internationale. Et ce, alors que le pays est confronté à une fuite des cerveaux, vers l’Arabie saoudite notamment.

« C’est une économie ouverte et libérale qui pourrait devenir une plate-forme de services, estime-t-on à Bercy. Dans un Moyen-Orient compliqué, elle a des atouts à faire valoir, à condition d’améliorer le climat des affaires. » La France s’intéresse d’ailleurs de près à ce pays, dont elle est le premier investisseur derrière les pays du Golfe. Elle est notamment présente dans les télécommunications par le biais d’Orange. Autre exemple, l’aéroport d’Amman dont Aéroports de Paris (ADP) a pris, en avril 2018, le contrôle en montant à 51 % du capital.