Grève à Lyon, le 12 juin 2018. / JEFF PACHOUD / AFP

Ce sont des résultats 2018 paradoxaux que Guillaume Pepy, le président de la SNCF, a présentés jeudi 28 février à son siège de Saint-Denis.

Paradoxe heureux d’abord, car malgré le plus long conflit de son histoire marqué par quarante et un jours de grève entre mars et juin, la SNCF a enregistré une résistance du chiffre d’affaires 2018, lequel s’établit à 33,3 milliards d’euros.

Le groupe ferroviaire constate même un rebond de l’activité au second semestre (+ 3,4 %) portée par la dynamique des TGV à petit prix Ouigo (+ 38 % de fréquentation), des TER (+ 4,9 %) et de sa filiale de transport public Keolis (+ 10 %).

La grève n’explique pas tout

Paradoxe en sens inverse ensuite, puisque, en dépit de cette appétence confirmée des clients pour le train, en particulier au second semestre, la profitabilité de l’entreprise a fortement chuté. Le bénéfice net part du groupe s’élève à 141 millions d’euros, soit une division par 10 par rapport à 2017. Toutes les activités principales voient leur bénéfice opérationnel reculer : le train subventionné (TER, Transilien, Intercités), le TGV commercial, la logistique, la gestion du réseau ferroviaire… Seules les activités des gares et de Keolis voient leur profitabilité s’améliorer.

Selon les dirigeants du groupe, elle a coûté 770 millions d’euros de profit opérationnel à l’entreprise

Cette fois, c’est bien la grève du printemps contre le pacte ferroviaire voulu par le gouvernement qui est la principale cause de cette régression. Selon les dirigeants du groupe, elle a coûté 770 millions d’euros de profit opérationnel à l’entreprise. Du côté de SNCF Réseau, l’entreprise gestionnaire des voies ferrées, le manque à gagner des péages ferroviaires lié à la diminution des circulations pendant le conflit s’élève à 220 millions d’euros.

Mais la grève n’explique pas l’intégralité de la dégradation des profits. La politique des petits prix dans le TGV a fait baisser ces trois dernières années le prix moyen du billet TGV de 3 %, selon la SNCF. Cela finit par peser aussi sur la rentabilité de l’activité dans la mesure où la baisse des coûts, 530 millions d’euros tout de même cette année, ne compense pas encore ce que les experts appellent l’inflation ferroviaire, cette propension du système SNCF à coûter de plus en plus cher chaque année.

Le PDG de la SNCF, Guillaume Pepy, présente les résultats 2018 du groupe ferroviaire, jeudi 28 février, à Saint-Denis. / ERIC PIERMONT / AFP

De tristes constats

Ce fait illustre un autre paradoxe de ces résultats 2018 : ils sont les premiers à être présentés après le vote de la réforme ferroviaire du printemps et, pourtant, ils n’en portent aucun des effets espérés par la direction de l’entreprise et le gouvernement. Les embauches de cheminots se font toujours au statut, la dette n’a pas été reprise par l’Etat, la réorganisation des métiers n’a pas eu lieu, l’aiguillon de la concurrence ne se fait pas encore très mordant.

Du coup, les tristes constats des exercices successifs de l’entreprise se répètent. La dette de SNCF Réseau fait de nouveau un bond de 3 milliards d’euros pour atteindre désormais le chiffre effrayant de 50 milliards. Le fret – dont le chiffre d’affaires est en baisse de 10 % s’enfonce dans la crise, une partie des entreprises clientes qui ont renoncé à prendre le train pendant la grève n’étant pas revenues au mode ferroviaire.

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