Manifestation des cheminots, le 29 novembre 1995 dans les rues de Tours, pour la défense de leur régime de retraite. / FRANCOIS GUILLOT / AFP

Dès que les mots « réforme des régimes spéciaux » sont prononcés, le souvenir des manifestations monstres de 1995 resurgit, immanquablement. A l’époque, le premier ministre, Alain Juppé, avait exprimé l’intention d’« allonger la durée de cotisation requise » pour que les personnes affiliées à ces dispositifs puissent « bénéficier d’une retraite à taux plein ». L’exécutif s’était cependant évertué à avancer avec prudence, en mettant en place une commission de réflexion sur le sujet et en insistant sur le fait que son but n’était pas la « suppression » de tels régimes. Rien n’y fit : cheminots et salariés de la RATP se lancèrent dans une grève de trois semaines, en élargissant leurs revendications à d’autres sujets (la défense de la Sécurité sociale, etc.), et le projet, à peine évoqué, fut enterré.

D’autres gouvernements, par la suite, ont réussi à imposer des changements, au nom de considérations budgétaires et d’équité. Les règles applicables aux fonctionnaires des catégories actives (ceux qui partent plus tôt car leur métier est dangereux ou pénible) et aux salariés des régimes spéciaux (SNCF, RATP…) ont été rapprochées de celles en vigueur dans les entreprises. Ainsi, en 2003, l’équipe de Jean-Pierre Raffarin a, notamment, choisi d’aligner très progressivement le nombre de trimestres requis pour atteindre le taux plein dans le secteur public sur celui du privé. Cinq ans plus tard, des décrets ont harmonisé, toujours de façon graduelle, les principaux paramètres des régimes spéciaux avec ceux de la fonction publique.

Pensions trop faibles

En 2010, le gouvernement Fillon recule de deux ans l’âge de départ à la retraite. La mesure s’applique à tous à terme, y compris aux agents des catégories actives et salariés des régimes spéciaux. En 2014, l’ouvrage est remis sur le métier par la ministre des affaires sociales, Marisol Touraine, en jouant sur l’augmentation de la durée de cotisation. Désormais, pour les générations nées à partir de 1958, ce paramètre augmentera d’un trimestre tous les trois ans à partir de 2020 pour atteindre 43 ans en 2035.

Ces différentes réformes ont eu des impacts non négligeables. Même si les agents des catégories actives et les salariés des régimes spéciaux peuvent toujours partir plus tôt, ils choisissent de plus en plus souvent de retarder le moment où ils cessent de travailler pour éviter de se retrouver avec des pensions trop faibles.

Ainsi, à la SNCF, les agents de conduite peuvent faire valoir leurs droits à 52 ans ; les autres personnels à 57 ans. Mais ils le font plus tardivement. En 2016, l’âge moyen de départ des premiers atteignait 53 ans et cinq mois (soit trois ans de plus qu’en 2009) et 57 ans et demi pour les seconds (deux ans et deux mois de plus, comparé à 2009). L’écart avec les personnes affiliées à la caisse nationale d’assurance vieillesse reste cependant toujours significatif : ces dernières partent en moyenne à 62 ans et cinq mois.

A la RATP, les comportements évoluent aussi. Le pourcentage de personnes de moins de 57 ans qui sont à la retraite a diminué entre 2008 et 2015, selon une note de la caisse de retraite de l’entreprise publique, diffusée en 2016. « Ceci s’explique par des départs à la retraite plus tardifs à la suite de l’augmentation de la durée de cotisation lors de la réforme de 2008 », précise-t-elle.