Arte, samedi 2 mars à 20 h 50, documentaire

S’il est un type de monument qui symbolise le Moyen Age, c’est bien le château féodal. Au point que, lorsque la sensibilité romantique au XIXe siècle redécouvrit ces temps lointains, tenus pour obscurs à l’époque moderne, c’est la silhouette de la motte castrale, coiffée d’un édifice fortifié dont le donjon émerge, signe de domination et de sécurité, qui hanta les esprits.

On vit recréé plus que restauré le château de Pierrefonds, ruine d’une demeure princière des Valois, par Eugène Viollet-le-Duc, déjà responsable de la réinvention de l’abbatiale de Vézelay et de la cité de Carcassonne. Bientôt le roi Louis II de Bavière, qui visita Pierrefonds en 1867, rêva une folie néogothique, la « villa royale » de Neuschwanstein, en Allemagne, dont la silhouette est devenue universelle, grâce à Walt Disney (La Belle au bois dormant, puis Cendrillon, reprise pour le logo des studios). Mais la réalité historique est bien différente. Et c’est ce que cette évocation en deux volets entend rappeler. Centrée sur le patrimoine du royaume de France et du Saint Empire romain germanique (les mentions de Windsor et de la Tour de Londres restant fugitives), elle est toutefois d’une pédagogie exemplaire.

Une histoire mouvante

Le choix du site, qui incite à sélectionner les promontoires, atouts défensifs naturels, plus tard les zones de carrefours terrestres et fluviaux, dont le bénéfice économique peut être décisif, comme l’évolution des matériaux de construction retenus (bois initial, puis chemisage de pierre), indique que le château a une histoire mouvante, dont les étapes rappellent l’évolution des techniques, les mouvements démographiques, les stratégies politiques aussi. Sans oublier l’impact des querelles dynastiques, parfois violentes.

Mais, dans le droit fil de l’aventure du chantier ouvert près d’Auxerre pour construire ex nihilo un château fort avec les seuls techniques et matériaux utilisés par les artisans médiévaux – lancé en 1997, le château de Guédelon devrait être achevé vers 2023 –, le documentaire s’attarde surtout dans son premier volet à livrer les clés de la construction de ce lieu aussi utile pour la sécurité que symbolique pour l’autorité. Le rythme au quotidien de la bâtisse permet de distinguer saisons froide et chaude.

Lire le focus sur le château de Guédelon : Le passé recomposé

Et si tout est sommaire dans un lieu où l’essentiel reste d’assurer un confort minimal, la présentation du mobilier, les choix de la décoration, les astuces pour conserver la chaleur et garantir l’hygiène, comme l’évocation des loisirs, ordinaires ou exceptionnels, de l’alimentation et de ses règles de conservation, corrigent bien des idées reçues avec justesse et sobriété.

Plus martial, le second volet rappelle qu’un château est aussi une proie et que, pour rendre sa position inexpugnable, les solutions doivent sans cesse être réinventées. Vulnérable par les airs comme par le sous-sol (les munitions des machines de guerre, tel le trébuchet dès le XIIsiècle, relaient les flèches primitives quand le travail des sapeurs menace l’assise des remparts, sitôt les douves franchies), le château craint aussi l’attaque frontale des béliers. En multipliant les exemples parlants, le récit permet de saisir pourquoi le château évolue sans cesse, jusqu’à ce que les progrès de l’artillerie rendent son modèle fragile ou trop coûteux.

Les Châteaux du Moyen Age (1 et 2/2), de Martin Becker et Sabine Bier (All., 2018, 2 × 52 min). www.arte.tv/les-chateaux-du-moyen-age