Michael Jackson à Londres, le 5 mars 2009, lors d’une conférence de presse annonçant son retour sur scène pour l’été suivant. / CARL DE SOUZA / AFP

Sous le titre de Leaving Neverland (« Quitter Neverland »), le documentaire de quatre heures réalisé par le Britannique Dan Reed – qui sera diffusé dimanche 3 et lundi 4 mars aux Etats-Unis – porte de nouvelles accusations de pédophilie qui pourraient ternir encore un peu plus la réputation du « roi de la pop ». Il est centré sur James Safechuck, aujourd’hui âgé de 41 ans, et Wade Robson, 36 ans, qui racontent comment le chanteur les aurait violés de manière répétée.

Ce n’est pas la première fois que Michael Jackson est accusé de pédophilie. Mais le format du documentaire, avec de longs témoignages précis face caméra, qui se corroborent l’un l’autre, éclaire l’artiste sous une lumière plus crue que jamais.

« Nous avons essayé de le faire suffisamment descriptif pour qu’il ouvre les yeux des gens, qu’ils soient confrontés à ce que signifie, pour un jeune enfant, être séduit et violé par un adulte pédophile », a expliqué Dan Reed. « Bien sûr que c’est choquant, reconnaît-il. C’est un crime très grave. Et cela ne doit pas être minimisé. »

Des faits similaires

Les faits semblent à chaque fois similaires. De jeunes enfants sont invités par Jackson dans son domaine californien de Neverland à partager un peu de son existence prétendument féerique, avec salle de cinéma privée et train façon parc d’attraction. Le propriétaire des lieux gagne leur confiance et celles de leurs parents, abuse d’eux, puis les manipule pour les empêcher de révéler ce dont ils ont été victimes.

« C’est comme ça qu’on se montre que nous nous aimons », expliquait Michael Jackson à Wade Robson, dit dans le documentaire celui qui a rencontré le chanteur à 5 ans. « Il m’a dit que s’ils découvraient ce que nous faisons, se rappelle-t-il. Lui et moi irions en prison pour le restant de nos vies. » Il tient le même discours à James Safechuck, le prévenant que si le secret était levé, leurs vies « seraient finies ».

Au centre : le réalisateur du documentaire « Leaving Nerverland », Dan Reed, entouré des deux hommes ayant témoigné dans son film : Wade Robson et James Safechuck. / Taylor Jewell / Taylor Jewell/Invision/AP

La famille de Jackson attaque en justice

Les héritiers de Michael Jackson ont réfuté les allégations du documentaire et saisi la justice pour réclamer à HBO 100 millions de dollars au titre de ce qu’ils qualifient d’« assassinat posthume ».

Certains s’étonnent de la polémique qu’a déjà déclenché le film avant même sa diffusion, dans la mesure où le chanteur, décédé en 2009, est accusé de pédophilie depuis plus de vingt-cinq ans. Dès 1993, un adolescent de 13 ans, Jordan Chandler, avait accusé l’interprète de Billie Jean et Beat It de l’avoir agressé sexuellement dans des conditions similaires à celles décrites par Wade Robson et James Safechuck. Michael Jackson conclura un accord amiable avec la famille de Chandler, mais dix ans plus tard, de nouvelles accusations l’emmèneront jusqu’au procès pénal.

Il sera finalement acquitté, le jury ayant été sensible à l’argumentation des avocats de Jackson, qui avaient accusé la famille de la victime présumée d’avoir monté une arnaque pour soutirer de l’argent à la star.

Un « degré de conscience est plus élevé » depuis #MeToo

Wade Robson aura témoigné en faveur du chanteur en 1993 et 2003, avant de revenir sur sa version, il y a quelques années. Tout comme James Safechuck, qui a attaqué en justice les héritiers de Jackson, mais les deux actions ont été rejetées, les faits étant prescrits.

« Je l’aimais sur bien des aspects, explique James Safechuck dans Leaving Neverland. Et en même temps, je savais que Michael me faisait ces choses qui n’étaient pas saines. » « C’est très difficile de ressentir ces deux choses en même temps, dit-il. Je me bats encore aujourd’hui avec ça. »

Professeur à l’université de Syracuse, à New York, Robert Thompson voit dans l’intensité des réactions au documentaire l’effet du #MeToo. « Le degré de conscience est plus élevé », dit-il. Pour lui, « un documentaire aussi extrême pourrait complètement changer son image posthume ».

Pour autant, admet l’universitaire, « nous ne pouvons pas, rétroactivement, dire que non, Michael Jackson n’a pas changé l’histoire de la pop mondiale, parce que c’est le cas ». Et malgré l’accumulation des accusations, l’ancien leader des Jackson Five conserve un noyau de fidèles que rien ne semble pouvoir atteindre.