La Côte d’Ivoire reste un des pays d’Afrique avec le plus haut taux de mortalité maternelle, et par­mi les causes identifiées, il y a le diabète gestationnel. Il faut que nous puissions mieux dépister les femmes et éviter les complications pour elles et leurs bébés », martèle le docteur Valéry Adoueni Katché, directeur du Programme national de lutte contre les maladies métaboliques du ministère de la santé. En Côte d’Ivoire plus d’un tiers des femmes en âge de procréer seraient en surpoids, un facteur connu pour augmenter significativement le risque de développer un diabète lorsqu’elles seront enceintes.

Survenant généralement à la fin du deuxième trimestre, ce diabète gestationnel peut soit être provoqué par la grossesse elle-même, soit révéler un diabète antérieur, jusque-là passé inaperçu. Si certaines femmes ressentent des symptômes qui les amènent à consulter, beaucoup ne découvrent leur diabète que tardivement, parfois même le jour de l’accouchement, lorsqu’un bilan sanguin est réalisé. « Faute de pouvoir payer les consultations, les Ivoiriennes n’ont pas toutes un suivi de grossesse, loin de là. Et quand il y en a un, le diabète gestationnel n’est pas recherché, ou alors pas avec les tests adéquats », déplore le docteur Enderson Gilbernaire, pédiatre néonatalogiste au CHU de Cocody, à Abidjan.

Problème de dépistage

A Yamoussoukro, un suivi sur plus de 200 femmes indiquait 12 % de diabètes gestationnels, alors qu’une étude menée au Sénégal a montré une prévalence de près d’un tiers sur une cohorte du centre hospitalo-universitaire de Pikine (Dakar). Facteur de risques immédiats à la fois pour la mère (prééclampsie, obstruction du travail, césariennes…) et pour l’enfant à naître (prématurité, gros poids de naissance…), le diabète gestationnel est aussi associé à plus long terme à une augmentation du risque de diabète de type 2. Ne pas dépister et traiter l’hyperglycémie des femmes enceintes contribue donc à l’épidémie de diabète qui se développe en Afrique. « Les enfants nés prématurément à cause du diabète de leur mère sont particulièrement à risque, car beaucoup de parents ont encore recours à des farines traditionnelles qui visent à faire prendre du poids rapidement au bébé. Mais sur des enfants à risque de diabète, cela peut être très néfaste », rappelle le ­docteur Enderson Gilbernaire

Depuis janvier 2019 le ministère de la santé ivoirien soutient un programme, dirigé par le professeur Jacko Abodo, chef du service endo­crinologie et diabétologie du CHU de Yopougon, qui vise à réduire l’incidence du diabète gestationnel. Il repose notamment sur une meilleure formation des sages-femmes et des gynécologues, sur la maladie et son diagnostic, ainsi que sur une sensibilisation des futures mères. « Mais ce n’est pas une tâche facile car le sur­poids des femmes est encore très valorisé dans notre société, reconnaît le docteur Valéry Adoueni Katché. Il est d’ailleurs d’usage de sur-nourrir les jeunes mères après un accouchement. Et un bébé trop gros à la naissance est avant tout vu comme un beau bébé ! » Mais le médecin reste confiant. Les quelques expériences menées isolément dans différentes consultations de diabétologie du pays ont montré que les femmes sont des relais efficaces de l’information au sein de leur communauté, et qu’une fois convaincues elles constituent des acteurs ­importants de la prévention.

Ce reportage a été cofinancé par le Centre européen de journalisme (EJC) par l’intermédiaire de son programme de bourse consacré à la santé mondiale Global Health Journalism Grant Programme for France (https://health-fr.journalismgrants.org).