Les pompiers interviennent sur un véhicule en feu dans le quartier Mistral à Grenoble, le 3 mars. / JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Deux jeunes de 17 et 19 ans se sont tués à scooter alors qu’ils étaient poursuivis par la police dans la soirée du samedi 2 mars à Grenoble, un drame qui a déclenché une nuit d’émeutes dans leur quartier où les forces de l’ordre restaient mobilisées.

Une information judiciaire a été ouverte pour éclaircir les circonstances dans lesquelles les deux victimes – qui circulaient sans casque sur un engin de grosse cylindrée, dépourvu de plaques – ont trouvé la mort en percutant un autocar, tandis qu’un véhicule de la brigade anticriminalité les suivait.

Le parquet évoque pour l’heure « un accident », alors que l’idée d’une « bavure » prévaut dans le quartier Mistral où vivaient les deux jeunes. Dimanche, le procureur Eric Vaillant a reçu leurs proches durant plus d’une heure au palais de justice de Grenoble.

Lors d’une conférence de presse, le magistrat a écarté, en l’état d’une enquête « qui ne fait que débuter », tout choc entre le véhicule de la police qui suivait les victimes et le scooter. « J’ouvre une information pour recherche des causes du décès. Je ne vise aucune infraction commise par les uns ou les autres », a-t-il insisté.

Images de vidéosurveillance

Les premières investigations s’appuient notamment sur les images d’une caméra de vidéosurveillance, qui montre la scène « de façon assez vague », et le témoignage du chauffeur de l’autocar qui transportait une équipe de football de l’agglomération.

Le drame est survenu vers 22 h 30 autour d’un pont et d’une bretelle d’autoroute. Ayant aperçu le scooter dans son rétroviseur, suivi d’un véhicule de police, le conducteur du bus – dont les tests d’alcoolémie et aux stupéfiants se sont avérés négatifs – affirme avoir serré à droite pour les laisser passer.

A ce moment-là, les deux jeunes tentaient, eux, de le doubler par la droite et ils se sont retrouvés coincés contre le parapet, selon le procureur.

Plus tôt dans la soirée, un scooter similaire avait été signalé pour des infractions routières, avant la course-poursuite fatale. Pour les enquêteurs, il s’agit du même engin, « mais le lien n’est pas encore totalement avéré ».

Pour autant, l’intervention des policiers était « totalement justifiée », d’après le parquet : ils n’auraient pas suivi les deux jeunes « s’ils n’avaient pas mis les autres usagers de la route en danger, en brûlant des feux rouges, en roulant sur le trottoir, en roulant à vive allure ».

Appel au calme du maire

Dans la nuit, le drame a déclenché de violents incidents dans le quartier Mistral où une caserne de CRS a été prise pour cible. Des policiers et gendarmes, arrivés en renfort, ont répliqué à des jets de cocktails Molotov par des tirs de grenades lacrymogènes et de balles de défense. Des voitures et des poubelles ont été incendiées, ainsi que le hall d’une école d’infirmières, un local associatif et du mobilier urbain. Aucune interpellation n’a eu lieu.

En dépit de l’appel au calme du maire écologiste de la ville Eric Piolle, de nouveaux incidents – incendies de véhicules et dégradation de mobilier urbain – se sont produits dimanche soir, ont rapporté les pompiers.

« Des jeunes du quartier ont vu ce qui s’est passé et ont le sentiment d’une bavure policière, c’est de là que vient toute cette tension », estime Hassen Bouzeghoub, directeur du centre socioculturel du quartier. Ils étaient connus des services de police pour des faits de petite délinquance.

Un habitant du quartier aurait filmé une partie de la poursuite et un jeune de 16 ans aurait été éborgné par un tir de lanceur de balles de défense (LBD), informations que n’a pas confirmées le parquet. Le quartier avait déjà connu une flambée de violences il y a une semaine après l’arrestation d’un homme détenteur de cannabis par une brigade spécialisée. Des renforts de police y ont été maintenus dimanche soir.