Les Hôpitaux universitaires de Genève, en Suisse, où le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, est soumis à des « examens médicaux périodiques » depuis le 24 février 2019. / FABRICE COFFRINI / AFP

Des milliers de personnes se soulèvent contre lui. Des manifestations monstres secouent son pays. Son peuple « humilié » refuse sa candidature à un cinquième mandat. Pendant ce temps, « où est Abdelaziz Bouteflika ? », s’interrogent les Algériens alors que le principal intéressé a disparu de la scène publique.

Selon les informations obtenues par l’émission française « Quotidien », le président algérien, 82 ans, occupe une chambre dans une « division privée » au huitième étage des Hôpitaux universitaires de Genève, en Suisse. Officiellement, il y est hospitalisé depuis le 24 février « pour des examens médicaux périodiques » qui ne devaient a priori durer que quelques jours, selon les informations données par la présidence, fidèle au secret qui entoure la santé du chef de l’Etat depuis six ans.

« Allez voir son frère »

Sur les images diffusées sur la chaîne TMC lundi 4 mars, tournées en caméra cachée, le journaliste franco-algérien Azzeddine Ahmed-Chaouch parvient à se rendre sans aucune difficulté dans l’aile « VIP » de l’hôpital genevois et arrive en face de la supposée chambre du patient. Un seul policier monte la garde. « Je voudrais savoir si M. Bouteflika était ici ? », demande le journaliste à une infirmière qui sort d’une chambre. « Allez voir son frère et puis vous lui demandez », répond celle-ci.

Quelques instants plus tard, Azzeddine Ahmed-Chaouch tombe nez à nez avec Nacer Bouteflika, l’un des frères et conseiller de l’ombre du président, qui refuse de répondre au journaliste et s’engouffre dans une chambre. Une image qui confirme la présence en Suisse du président algérien, dont le retour n’a toujours pas été annoncé par son cabinet, laissant planer des doutes sur son état de santé.

La veille, à plusieurs milliers de kilomètres de là, dans une Algérie nourrie de colère, le candidat Bouteflika a officiellement déposé auprès du Conseil constitutionnel sa candidature à l’élection présidentielle prévue le 18 avril. Ou du moins, on l’a fait pour lui. Son nouveau directeur de campagne, Abdelghani Zaalane, s’est chargé d’effectuer le dépôt du dossier alors même que la candidature « doit être déposée par le candidat lui-même », avait pourtant affirmé Abdelwahab Derbal, le président de la Haute Instance indépendante de surveillance des élections. Mais le communiqué du Conseil constitutionnel stipulant cette condition a mystérieusement disparu depuis le 3 mars.

« Président Casper »

Manifestation contre un cinquième mandat du président algérien, à Paris, le 3 mars 2019. / GHALIA KADIRI / « Le Monde »

Il était de toute façon difficile d’imaginer M. Bouteflika déposer sa candidature en personne. Agé, malade et lourdement handicapé depuis un accident vasculaire cérébral en 2013, le chef de l’Etat ne se déplace qu’en fauteuil roulant et ne s’exprime plus que dans des « messages à la nation » et des lettres lues par ses proches – son dernier grand discours face à un public date de 2012. Quand il n’est pas dans sa résidence médicalisée de Zéralda, en banlieue d’Alger, M. Bouteflika est hospitalisé à Genève, Grenoble ou Paris. Dans la capitale française, lors des rassemblements organisés en soutien aux mobilisations en Algérie, les manifestants ont brandi des pancartes tournant en dérision son absence : « Erreur 404, president not found », « Président Casper »

Ses proches eux-mêmes assument son retrait médiatique en Algérie, où des cérémonies en soutien à sa candidature ont été organisées autour de son portrait, suscitant à la fois la fureur et les moqueries du peuple. « Il est évident que M. Bouteflika n’animera pas sa campagne électorale », avait lancé le premier ministre, Ahmed Ouyahia, le 2 février.

Parmi les pièces à fournir dans le dossier de candidature, un certificat attestant de la « bonne santé » du président a été fourni par un médecin assermenté, alors que M. Bouteflika se trouve encore en Suisse, selon le site d’information local TSA. Là encore, le candidat, très affaibli, semble avoir bénéficié d’un passe-droit.

Notre sélection d’articles pour comprendre la contestation en Algérie

Depuis le 22 février, le mouvement de protestation le plus important des deux dernières décennies en Algérie a poussé des dizaines de milliers de personnes dans les rues pour exprimer leur opposition à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, avant l’élection présidentielle prévue le 18 avril.

Retrouvez ci-dessous les contenus de référence publiés par Le Monde pour comprendre la crise qui traverse le pays :

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