Les espoirs d’une reprise de l’usine girondine de Blanquefort ont été douchés dans la nuit de lundi à mardi pour les 850 salariés de Ford. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) a validé le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui scelle la fermeture de l’usine.

Dans un communiqué, Ford-France a salué une « étape importante », qui permet de « lever une partie des incertitudes qui pesaient sur [ses] employés quant à leur avenir ». La production de boîtes de vitesses, qui tourne depuis des mois au ralenti, devrait cesser fin août, selon les syndicats.

Dès mardi matin, la CGT (Confédération générale du travail) de cette usine des environs de Bordeaux, dont le représentant est l’ancien candidat à la présidentielle de 2017 Philippe Poutou, a annoncé son intention de contester ce plan devant le tribunal administratif. « Le PSE n’a aucun fondement, aucune justification économique. Tout le monde le sait, tout le monde l’a dit durant cette dernière année, a dénoncé le syndicat dans un communiqué. Ce que le gouvernement n’a pas pu faire ou pas su faire ou pas voulu faire, nous allons le tenter. Nous allons attaquer en justice pour faire invalider ce PSE. »

« Le risque de la précarité »

Selon des sources syndicales, une part croissante du personnel – quoique ulcérée par le désengagement du constructeur automobile américain – avait peu à peu basculé en faveur du PSE, à la fois pour ses conditions jugées plutôt correctes pour le secteur (métallurgie) et par lassitude des faux espoirs soulevés par l’offre de reprise du strasbourgeois Punch Powerglide, rejetée deux fois par Ford.

Aux termes du PSE, dont une première mouture avait été rejetée fin janvier, entre 300 et 400 salariés selon des sources syndicales pourraient être éligibles à la préretraite, dans une usine où la moyenne d’âge est de 51 ans, quelques dizaines d’autres reclassés dans l’usine voisine GTF, détenue par Ford et le canadien Magna. Le reste du personnel, environ 400 à 500 salariés, devrait être licencié avec deux à trois ans d’accompagnement et de couverture chômage, selon les syndicats. Mais pour les moins reclassables et loin de la retraite, « le risque de la précarité » est au bout de ce délai, selon la CGT.

Le PSE, selon des sources proches du dossier, porterait sur une moyenne de 190 000 euros par salarié. Un chiffre contesté par les syndicats, pour lesquels ce « budget » moyen masque en outre de fortes disparités. Ford a pour sa part salué un plan social « très complet » qui comprend « à la fois un plan reclassement et de retraite anticipée » et « des mesures visant à aider les salariés à retrouver un emploi salarié, à créer leur propre entreprise ou encore à bénéficier de formations de reconversion ».

Ford va verser les 20 millions d’euros pour « réindustrialiser »

Bercy a annoncé mardi que le constructeur versera les 20 millions d’euros demandés par le gouvernement pour la réindustrialisation du site de Blanquefort, confirmant une information du Parisien. « C’est carton plein sur ce qu’on demandait et ce qu’ils vont payer », a déclaré le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, au quotidien. Le ministre rapporte avoir dit à Ford : « Soit vous payez, soit vous resterez collés pendant des années avec des procédures judiciaires et des difficultés administratives », selon ses propos cités par Le Parisien.

Vendredi, à Bordeaux, Emmanuel Macron avait assuré que l’Etat allait « forcer » Ford à payer pour la revitalisation du site de l’usine. Un discours repris le lendemain par la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances, Agnès Pannier-Runacher, déclarant que le gouvernement était en mesure de peser sur le constructeur pour le pousser à investir « plusieurs millions » d’euros afin de garantir la reconversion de l’usine. Dimanche, dans Le Parisien, Bruno Le Maire avait annoncé avoir demandé 20 millions d’euros à Ford pour « réindustrialiser » le site.

Le constructeur avait annoncé en février 2018 son intention de se désengager de Blanquefort, usine implantée en 1972, qui a employé jusqu’à 3 600 salariés. Mais la fermeture devrait avoir des répercussions de façon plus large sur l’emploi girondin, en raison, selon les syndicats, d’environ 2 000 emplois induits.