Marco Verratti à l’entraînement le 11 février à Manchester, avant le huitième de finale aller de Ligue des champions. / FRANCK FIFE / AFP

« Je vais faire vite, je ne suis pas celui que vous attendez. » Pour sûr, les 200 journalistes massés dans l’auditorium du Parc des Princes, ce 18 juillet 2012, ne sont pas venus découvrir un freluquet de 19 ans, 1,65 m, fraîchement débarqué d’un petit club de série B italienne, pour la « modique » somme de 13 millions d’euros. Non, tout le monde attend fébrilement la présentation d’un géant du football mondial, Zlatan Ibrahimovic, qui marquera le véritable acte de naissance du projet « Dream Bigger » des Qataris, qui ont racheté le Paris-Saint-Germain en 2011. Sept ans plus tard, le Suédois traîne sa carcasse sur les terrains de la Major League Soccer, le championnat des Etats-Unis, et personne ne conteste le statut d’intouchable du freluquet devenu le « petit prince du Parc ».

A 26 ans, Marco Verratti incarne plus que tout autre le PSG version qatarie, dans ses succès comme dans ses échecs. A l’image de son club, l’Italien possède un potentiel incroyable mais peine à se maintenir à un haut niveau d’excellence et à franchir un palier sur la scène européenne – celui des quarts de finale de la Ligue des champions en l’occurrence.

A son meilleur niveau depuis son retour de blessure il y a un mois, étincelant lors du match aller des huitièmes de finale sur la pelouse de Manchester United (victoire 2 à 0 des Parisiens), l’Italien sera une nouvelle fois un maillon essentiel de son équipe lors du match retour, ce mercredi 6 mars au Parc des Princes. Et il se sait attendu.

« Mais frappe ! Frappe ! »

« Il n’a pas disputé la Coupe du monde, a été blessé, et ces coupures lui ont fait du bien, juge Eric Rabesandratana, ancien joueur du Paris-Saint-Germain. Il revient bien, mais est-ce qu’il est à son meilleur niveau ? Je ne sais pas. D’ailleurs, est-ce qu’il a un meilleur niveau ? », questionne l’actuel consultant à France Bleu, en écho aux multiples interrogations qui entourent le milieu de terrain italien depuis son arrivée dans la capitale.

Indiscipline sur le terrain. Statistiques en deçà de son talent. Hygiène de vie incompatible avec les exigences du haut niveau : les trois maux qui accompagnent Marco Verratti depuis ses débuts professionnels n’ont toujours pas été gommés. « Je suis un peu déçu qu’il ne progresse pas dans son comportement sur le terrain, avec cette agressivité parfois mal maîtrisée. J’ai l’impression que c’est toujours le même joueur », abonde Alain Roche, défenseur historique de la maison bleu et rouge.

L’Italien est en effet souvent passé à côté des grands rendez-vous, rarement parce qu’il était mauvais sur le terrain, mais surtout parce qu’il était absent pour cause de suspension ou de blessure, ou qu’il déclinait physiquement à partir de l’heure de jeu. « Quand on voit son potentiel, on a envie qu’il améliore ses statistiques sur les passes décisives et les buts », poursuit Alain Roche. Il faut entendre les complaintes désespérées des spectateurs du Parc des Princes (« Mais frappe ! Frappe ! ») à l’encontre d’un joueur qui préférera toujours faire une passe à un coéquipier plutôt que de tenter sa chance, même en position idéale, seul face au but.

Capable de conserver et de ressortir brillamment le ballon là où la majorité des joueurs donnent un grand coup de savate, de distiller des passes lumineuses que n’auraient pas reniées Iniesta ou Xavi, les deux milieux de terrain de poche du FC Barcelone auxquels il est souvent comparé, l’Italien a toujours assumé son style de jeu. « Il s’agit de ma manière de jouer, j’ai toujours été comme cela, déclarait-il au Monde en 2016. Lors de mes premiers mois au PSG, Ancelotti [l’entraîneur] était toujours en conflit avec moi, puis, à un certain moment, il m’a dit : “Fais ce que tu veux.” Il s’est passé la même chose avec Laurent Blanc. Si tu m’enlèves ça, je perds la notion de divertissement et l’envie de jouer. Je ne changerai jamais. Retirer la part de risque dans le foot n’a pas de sens. Au contraire, il faut s’amuser. C’est un jeu. »

Un jeu. C’est comme ça que Marco Verratti conçoit le football. Depuis la place de l’église de Manoppello, son village natal, dans les Abruzzes, « Petit Hibou », son surnom, a fait de son insouciance sa principale force. Son départ vers les spotlights parisiens au sortir de l’adolescence n’a en rien entamé son sourire communicatif et son caractère débonnaire. Pas plus que ses tacles parfois mal maîtrisés ou ses incessantes palabres avec les arbitres.

Dans un portrait que lui avait consacré Rue 89 lors de sa signature en 2012 apparaissait déjà les qualités et défauts qu’on lui prête encore aujourd’hui. Marco Blasioli, secrétaire du club Arabona à Manoppello, notait que les parents de Verratti, Fabrizio, employé de la fonction publique, et Livia, mère au foyer, « ne lui ont jamais mis de pression » et que ses proches ont « constitué un écran de protection face à l’intérêt médiatique qu’il a toujours suscité ».

Vie nocturne échevelée

« J’aime beaucoup passer du temps avec ma famille, assurait le joueur italien en 2016 au magazine YARD. Rester le soir à regarder un film avec ma copine et mon fils vaut cent fois plus qu’une belle soirée en boîte de nuit. Mais, quand j’ai l’occasion, ça m’arrive d’y aller même si je préfère discuter entre copains autour d’un dîner ! »

Un self-branding qui ne convainc qu’à moitié. Car « Petit Hibou », père de deux enfants, est aussi connu pour sa vie nocturne échevelée et son attrait pour les boîtes de nuit parisiennes. Il a déjà été surpris clope au bec, ou plus récemment au volant de sa voiture avec un taux d’alcoolémie au-delà de la limite autorisée.

« C’est un garçon qui est très souvent blessé dans une saison. Or le comportement extrasportif est important pour un joueur professionnel », rappelle, comme une évidence, Alain Roche. « Le seul qui peut changer quelque chose, c’est Verratti lui-même, avance Eric Rabesandratana. Mais, à son âge, il commence à basculer de l’autre côté, c’est presque un peu tard. »

Alessandro Grandesso, correspondant à Paris du quotidien sportif italien La Gazzetta dello Sport, connaît son compatriote par cœur. Il tempère ces critiques et estime que Verratti « a évolué comme personne depuis ses débuts, même s’il reste toujours un gamin sur le terrain ».

Mais avec le temps sont prises de mauvaises habitudes. Rarement mis en concurrence depuis son arrivée au PSG, Verratti a toujours bénéficié d’un statut protégé auprès de ses dirigeants et des supporteurs. Avec la mise au placard d’Adrien Rabiot, la retraite de Lassana Diarra, le milieu de terrain du PSG est un vaste désert quantitatif dans lequel Verratti n’a aucun mal à se rendre indispensable.

Un transfert vers un autre club serait-il de nature à forcer sa nature et à faire, enfin, évoluer l’homme et le joueur ? « Il y a deux ans, ça aurait eu un sens qu’il parte au Barça. Aujourd’hui beaucoup moins, juge Alessandro Grandesso. Il sera toujours comme ça, quelle que soit l’équipe où il évolue. » Lié au PSG jusqu’en 2021, Marco Verratti sait que son avenir va se jouer dans les prochaines semaines. Enfin l’heure de l’envol ?