Zalando à Berlin, le 17 décembre 2018. / Fabrizio Bensch / REUTERS

Zalando élargit son horizon. La première plate-forme de vente de mode en ligne d’Europe, fondée à Berlin en 2008, a annoncé, mardi 5 mars, son intention de se lancer dans la vente de produits cosmétiques dans cinq nouveaux marchés européens dont la France, la Suède, le Danemark, la Belgique et l’Italie. L’offre, déjà disponible depuis le printemps 2018 en Allemagne, Autriche et en Pologne, s’inscrit dans la stratégie de croissance effrénée du groupe allemand, dont le plus grand concurrent est le géant américain Amazon.

Zalando proposera sur son site français, à partir de la mi-mars, 200 marques de cosmétiques – dont des produits haut de gamme comme Estée Lauder, Mac, Clinique – qui bénéficieront des conditions de vente qui ont fait le succès du site : livraison gratuite un jour après la commande en point retrait (trois à cinq jours à domicile), un service de retour gratuit et surtout un assortiment gigantesque. Actuellement, 300 000 produits et 2 000 marques sont proposés en Europe, sur 27 marchés nationaux. L’entreprise allemande, qui ne communique pas ses chiffres par pays, est le troisième acteur de la mode en ligne en France, derrière Amazon et Vente-Privée, selon les données de Kantar Worldpanel.

« La France est un marché majeur pour nous. Le marché de la mode est un des plus importants d’Europe – autour de 40 milliards d’euros –, mais la part des ventes réalisée sur Internet est assez faible, par rapport à d’autres pays, à environ 15 %. C’est moins qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni, où elle s’élève à 20 %. Il y a donc une importante opportunité de progression pour Zalando », explique Yannick Mathan, responsable de la stratégie de Zalando France, à Berlin.

Faire passer la croissance avant la rentabilité

En se lançant dans des produits hors habillement, l’objectif de Zalando est aussi d’améliorer sa rentabilité et d’occuper le terrain dans un marché de la vente en ligne en plein essor. Car sur Internet vaut l’adage « the winner takes it all » (le gagnant emporte la mise). Pour s’imposer comme acteur de référence, il faut afficher le plus grand nombre de clients, le meilleur service de livraison, le plus grand assortiment, capter la plus grosse masse de données possible. Et surtout, faire passer la croissance avant la rentabilité. C’est bien la stratégie poursuivie par Zalando, qui vise 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020, contre 5,3 milliards aujourd’hui, et 20 milliards en 2023-2024,

Pour générer de tels volumes, le groupe ne s’appuie plus depuis longtemps sur ses forces seules et s’est développé en tant que plate-forme : Zalando met à disposition des marques, par le biais de sa « place de marché », sa force de frappe logistique, sa notoriété et sa connaissance du comportement d’achat de millions de clients. Les données collectées lui permettent de développer des technologies de conseil personnalisé en style et en taille, grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle. Les retours, encouragés par le groupe lui-même, afin que « l’expérience d’achat » soit la plus proche possible de celle vécue en boutique, représentent autour de 50 % des commandes, près d’un article sur deux étant renvoyé, selon les pays.

Mais cette stratégie est très coûteuse, donc risquée. A l’été 2018, l’action Zalando a ainsi décroché en Bourse après plusieurs avertissements sur les résultats. La croissance exceptionnellement faible au troisième trimestre, assortie d’une perte, a prolongé la baisse du titre, qui a perdu la moitié de sa valeur entre août et décembre 2018.

Limiter les coûts des retours

le 27 février, lors de la présentation des résultats, le codirecteur de Zalando, Rubin Ritter, a reconnu que « 2018 (avait) eu ses défis ». En 2018, le groupe a vu son chiffre d’affaires progresser de 20 %, contre 23,4 % l’année précédente. Une évolution dangereuse si elle se maintenait : une croissance trop faible et trop peu rentable fait fuir les investisseurs. Le groupe tente depuis l’été de limiter les coûts des retours, afin de gagner en rentabilité.

Mais cette croissance à tout prix est-elle compatible avec la conscience écologique accrue des consommateurs, en particulier les jeunes ? La mode est considérée comme une des activités les plus polluantes de la planète, à cause de la fabrication mais aussi de leur mise en vente. Le phénomène de « fast fashion », qui veut que les vêtements soient peu ou pas portés, est montré du doigt par les associations écologistes. « Nous prenons cela très au sérieux, » assure M. Mathan, qui insiste sur les efforts pour réduire le nombre de paquets, leur volume et le nombre de trajets. Une initiative a également été lancée, Zalando Wardrobe (garde-robe) : elle propose aux consommateurs de revendre leurs articles déjà portés à d’autres utilisateurs ou à Zalando par le biais de la plate-forme. Cette fonction n’est pour l’instant pas disponible pour les consommateurs français.