Il est le premier à bénéficier d’une telle faveur dans ce dossier sensible. L’ex-directeur général de LafargeHolcim, Eric Olsen, a obtenu la levée de sa mise en examen pour « financement du terrorisme » dans l’enquête ouverte sur les activités du cimentier en Syrie entre 2011 et 2015. « Cette décision lave mon honneur », s’est félicité M. Olsen, mardi 5 mars. M. Olsen reste toutefois mis en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

Depuis l’ouverture d’une information judiciaire en juin 2017, au moins sept personnes ont été mises en examen, dont l’ancien PDG de Lafarge Bruno Lafont. Les poursuites visent aussi la personne morale Lafarge SA qui a, en outre, été mise en examen pour « complicité de crimes contre l’humanité ». Un cas rare qui fait l’objet d’une requête en nullité depuis fin décembre 2018, devant la cour d’appel de Paris.

Le rôle du Quai d’Orsay

Depuis des révélations du Monde en 2016, la justice soupçonne le groupe français – qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim – d’avoir versé entre 2011 et 2015, par l’intermédiaire de sa filiale LCS, près de 13 millions d’euros à des groupes terroristes, dont l’organisation Etat islamique (EI). Et ce, afin de maintenir l’activité d’une usine dans le nord du pays. Or ces manœuvres, en plus de contourner les sanctions internationales, ont gravement mis en danger les employés syriens, selon plusieurs témoins : extorsions, enlèvements, etc.

C’est d’ailleurs la plainte d’ex-salariés, portée fin 2016 par l’association Sherpa, qui a en partie déclenché l’information judiciaire. « Cette levée de mise en examen [de M. Olsen] prouve que les juges font un travail objectif mais aussi que la mise en examen de Lafarge SA est bien fondée sur des éléments de preuve », a réagi l’avocate de Sherpa, Me Marie Dosé.

Agé de 54 ans, Eric Olsen a été DRH puis directeur général adjoint de Lafarge, avant de devenir directeur général après la fusion avec Holcim. Depuis le début, il dit n’avoir eu aucun pouvoir de décision sur la Syrie. Il a en outre été relativement épargné par les autres prévenus du dossier. Eric Olsen est désormais placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté pour le « financement d’une entreprise terroriste ».

De façon plus large, l’instruction s’intéresse aussi au rôle de la diplomatie française et des services de renseignement dans la décision de Lafarge de se maintenir en Syrie. Certains cadres affirment qu’ils ont été encouragés à rester sur place par le Quai d’Orsay. Ce qu’ont démenti plusieurs diplomates. Entendu par la justice, un agent de la direction générale de la sécurité intérieure a aussi avoué une collecte d’informations « opportuniste » par l’intermédiaire de Lafarge, mais n’avoir donné « aucune consigne » de maintien dans le pays.