Le train reliant Accra, la capitale ghanéenne, et le port de Tema, le 29 février 2019. / RUTH MCDOWALL / AFP

Le paysage urbain d’Accra, au Ghana, défile sous les yeux de Shaibu Amoah par la vitre du train et il se dit fier du travail accompli avec ses collègues ces derniers mois. Ce costaud de 37 ans a participé à la réhabilitation du chemin de fer dans la capitale depuis juin 2018, en déblayant la voie et en acheminant d’imposants blocs de pierre sous une chaleur torride.

Quand la ligne reliant Accra au grand port de Tema a rouvert fin janvier, après avoir été hors service pendant près de deux ans à la suite d’un déraillement, il était du premier voyage. « Je me sens fier de mon travail parce que j’aide mon pays sur la voie du progrès », a-t-il expliqué à l’AFP, au moment où le train quittait Accra pour Tema, situé à une trentaine de kilomètres de là.

Jusqu’à 600 voyageurs par train

La réhabilitation des chemins de fer ghanéens, construits sous l’ère coloniale britannique, est une priorité pour le président Nana Akufo-Addo, qui voit dans le rail un « catalyseur pour la transformation sociale et économique » de ce pays d’Afrique de l’Ouest. En décembre 2018, il avait ainsi assuré que la négligence des autorités vis-à-vis du secteur ferroviaire était « l’une des plus grandes tragédies » qu’ait connues le Ghana depuis l’indépendance en 1957.

Seuls 13 % des rails existants y sont aujourd’hui utilisés. L’objectif est désormais de relier Accra à Sekondi-Takoradi dans le sud, Kumasi dans le centre, et plus au nord Tamale, à travers un réseau parcourant quelque 4 000 km. Le projet, dont le coût total est estimé à 21,5 milliards de dollars (19 milliards d’euros), inclut également une liaison entre le port de Tema et le Burkina Faso voisin d’ici à 2021.

Sur la ligne Accra-Tema, les voitures du train peintes en rouge, jaune et vert vifs circulent pour la première fois depuis sa fermeture en 2017. Serpentant à travers la capitale de plus deux millions d’habitants, elle relie à nouveau les bidonvilles insalubres aux riches quartiers résidentiels, en passant par un club de polo et une mosquée, des jardins maraîchers ou encore le front de mer. Le train peut transporter jusqu’à 600 voyageurs pour cinq cedis (0,80 euro) chacun. Grace Amihere, une hôtesse de 38 ans, prenait déjà le train lorsqu’elle était petite. « Les gens l’adopteront parce que c’est moins cher » que les autres transports en commun, assure-t-elle. « La vue est agréable. On peut voir la mer quand on s’approche du port », précise-t-elle.

Des décennies de négligence

Selon le patron de l’Autorité de développement des chemins de fer ghanéens, Richard Diedong Dombo, l’infrastructure ferroviaire, qui nécessite d’importants investissements, a souffert de décennies de négligence. « C’était un secteur mort, affirme-t-il. Les allocations budgétaires n’ont certainement pas été réalisées pour maintenir en état ce qui nous a été légué par l’administration coloniale, ou construire de nouvelles lignes. »

Kofi Asare, 52 ans, qui travaille comme conducteur de train depuis plus de vingt ans, se dit « content » de voir le rail réhabilité. Mais le cheminot est habitué à l’attitude « intermittente » du gouvernement vis-à-vis des chemins de fer et il se demande si son intérêt pour le secteur va durer : « C’est une question de viabilité. Vont-ils continuer à assurer la maintenance des chemins de fer ? »

Le secteur était performant jusqu’au début des années 2000, se souvient M. Asare. « Après ça, il n’y a plus eu de véritable maintien, insiste-t-il. Les chemins de fer sont à court d’argent et sont très coûteux financièrement. Si le gouvernement ne nous vient pas en aide, nous nous retrouverons dans la même situation d’ici à cinq ou dix ans. » « Nous continuons d’avoir une grande confiance, des espoirs et des attentes », conclut-il à propos des promesses du gouvernement de continuer à développer le secteur.