L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Quand on la rencontre, le temps des séquences d’exposition d’On ment toujours à ceux qu’on aime, Jewell Stone n’inspire guère confiance. Le personnage trimballe tant de lieux communs – la trentaine passée, elle vit comme une élève de terminale partie de chez ses parents, elle ment comme elle respire, elle est serveuse dans une boîte rock où elle a jadis chanté… En plus, il faut bien avouer que Monia Chokri a du mal à passer pour une Américaine exilée à Paris.

La comédienne Sandrine Dumas imprime à son récit un rythme vif et détendu qui convient bien à la légèreté du récit

Puis, au fur et à mesure que Jewell s’enfonce dans le labyrinthe de mensonges qu’elle a confectionné, ces préoccupations s’estompent. Parce que les acteurs ont l’air heureux de jouer ces personnages qui – avec moins d’enthousiasme et de talent – auraient pu paraître stéréotypés, parce que la réalisatrice, la comédienne Sandrine Dumas qui signe ici son premier long-métrage de fiction, imprime à son récit un rythme vif et détendu qui convient bien à la légèreté du récit.

L’inconfort morose et permanent qui fait le quotidien de Jewell vole en éclat lorsque sa grand-mère (Fionnula Flanagan), la femme qui l’a élevée, annonce son arrivée. En quelques heures, l’exilée doit donner un semblant de réalité aux mensonges dont elle a nourri son aïeule : son mariage avec Paul (Jérémie Elkaïm), sa fille Ruby, sa carrière… L’exercice est d’autant plus périlleux que la grand-mère arrive en compagnie de la mère de Paul (Marthe Keller).

Château de cartes

Pour faire de ce château de cartes un édifice habitable, il faudrait la virtuosité d’un Lubitsch. Sandrine Dumas préfère mettre ses personnages en mouvement. A chaque fois que l’invraisemblance ou l’incohérence menacent, ils partent un peu plus loin, vers le sud, vers le village pyrénéen dont est originaire la grand-mère. Ce qui a commencé comme une comédie parisienne se mue bientôt en road movie bien français. Les chauffeurs – Monia Chokri et Jérémie Elkaïm – se relaient avec entrain, la première résolument insupportable, le second puisant dans ses dernières réserves de patience.

Ces mouvements d’humeur, ces déplacements dans l’espace ne laissent d’autre choix au spectateur que la reddition (on part en voyage avec ces gens sympathiques), à moins de descendre de la voiture, parce que tout ça manque de substance. Ce serait alors se priver d’une plaisante surprise.

On ment toujours à ceux qu'on aime - bande-annonce
Durée : 01:41

Film français de Sandrine Dumas. Avec Monia Chokri, Jérémie Elkaïm, Marthe Keller, Fionnula Flanagan (1 h 30). Sur le Web : www.facebook.com/happinessdistributiondeanmedias