Les surveillants pénitentiaires bloquent l’entrée de la prison de Condé-sur-Sarthe, jeudi 7 mars. / JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Ils ne veulent pas laisser retomber la pression. Deux jours après l’agression de deux collègues par un détenu radicalisé à la prison de Condé-sur-Sarthe, les surveillants pénitentiaires ont à nouveau manifesté leur colère jeudi 7 mars avec des dizaines d’actions et de blocages de prisons à travers le pays.

En milieu de matinée, dix prisons étaient toujours bloquées, « en attente de libération par les forces de sécurité intérieures », a annoncé l’administration pénitentiaire. Un peu plus tôt, le syndicat majoritaire, Force ouvrière (FO), faisait état d’un tout autre bilan : 80 établissements bloqués en France, sur 188. Les surveillants auraient été « délogés dans une vingtaine d’établissements », toujours selon FO.

Devant Fleury-Mérogis (Essonne), la plus grande prison d’Europe, le blocage a ainsi été levé aux environs de 9 heures par les forces de l’ordre, « à coup de lacrymo et de matraques », a rapporté le délégué local FO Thibault Capelle :

« On veut une revalorisation sécuritaire, indemnitaire et statutaire. On veut arrêter de bosser dans des conditions de merde. Les établissements sont devenus des cercueils.Donc on préfère mettre les collègues en sécurité en les bloquant. »

La prison de Condé-sur-Sarthe « complètement bloquée »

Une colère partagée au premier chef à la prison de Condé-sur-Sarthe, où le RAID est intervenu mardi après l’agression de deux surveillants avec des couteaux en céramique. L’opération s’est soldée par l’interpellation de Michaël Chiolo, 27 ans, qui purgeait une peine de trente ans de réclusion et s’est radicalisé en prison, et la mort de sa compagne, retranchée avec lui pendant près de dix heures dans l’unité de vie familiale de la prison.

Depuis, l’établissement, un des plus sécurisés de France, est « complètement bloqué », a rapporté Emmanuel Guimaraes, délégué FO-Pénitentiaire national. « Le stock de nourriture (…) est épuisé depuis hier soir. Et il ne reste plus que 17 surveillants dans la prison alors qu’il en faut 105 pour une journée entière », a-t-il ajouté. Seules les ERIS (équipes régionales d’intervention et de sécurité) arrivées mardi ont été relevées mercredi, toujours selon lui.

Jeudi matin, une centaine de surveillants bloquaient toujours l’accès, et quatre barrages de pneus enflammés, de palettes et de vieux meubles, avaient été érigés, sous l’œil de plusieurs dizaines de gendarmes mobiles.

En Occitanie, deux prisons ont vu leurs accès libérés par les forces de l’ordre : celle de Seysses, en Haute-Garonne, et celle de Perpignan, selon Grégory Jalade (FO). « Le gros souci sur notre région, c’est la surpopulation carcérale avec 500 matelas au sol. (…) C’est très compliqué à gérer. On ne peut pas bosser », a déploré son collègue Laurens Maffre (UFAP-UNSA).

« Une défaillance »

Mercredi soir, le premier ministre, Edouard Philippe, avait reconnu sur BFM-TV « une défaillance », « probablement dans la fouille des visiteurs » : « Il faut immédiatement essayer de la comprendre et de la corriger », a-t-il déclaré, soulignant que la garde des sceaux, Nicole Belloubet, avait « lancé une enquête ».

Sur le terrain, l’agression de Condé-sur-Sarthe semble avoir réveillé de nombreuses revendications chez les « matons ». Qu’elles soient salariales ou concernent les embauches et les conditions de travail.

« Des radicalisés, des détenus psychotiques qui n’ont rien à faire dans une prison normale, on en a un paquet nous aussi, et on n’est pas formés à les maîtriser ! », s’indignait, Catherine Forzi, déléguée FO, devant la prison marseillaise des Baumettes. Dans les volutes des feux de palettes, près de 200 agents pénitentiaires bloquaient les portes.

Sur beaucoup de points de blocage, les surveillants disent leur amertume de ne pas avoir vu d’amélioration de leur situation depuis leur dernier mouvement social : « Nous sommes toujours dans l’attente de filets pare-lame et d’autres équipements annoncés », explique Stéphane Perrot (UFAP-UNSA) à La Talaudière (Loire).