Mark Zuckerberg a annoncé mercredi 6 mars un changement de cap conséquent pour Facebook. / JOSH EDELSON / AFP

« Je crois que des plates-formes de communications centrées sur la vie privée seront encore plus importantes demain que les plates-formes ouvertes ne le sont aujourd’hui. » Dans un long texte publié ce 6 mars, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a annoncé un recentrage majeur des services proposés par son entreprise, appelée selon lui à évoluer vers des services de communication plus restreints et moins permanents que ne l’est actuellement Facebook.

« Nous voyons aujourd’hui que les messageries privées, les messages éphémères, et les petits groupes de discussion sont, de loin, les outils de communication qui ont la plus forte croissance », écrit M. Zuckerberg, dont l’entreprise possède aussi Instagram et la messagerie WhatsApp. « Il y a un certain nombre de raisons à cela. Beaucoup de personnes préfèrent l’intimité qu’offrent les conversations avec une seule personne ou un petit groupe d’amis. Les utilisateurs se méfient de ce que peuvent révéler les archives de ce qu’ils ont partagé. Et nous voulons tous pouvoir payer de manière confidentielle et sécurisée. » Fin février, le New York Times expliquait que Facebook réfléchissait à l’idée de lancer sa propre cryptomonnaie, similaire au bitcoin, hypothèse à laquelle Mark Zuckerberg ne fait pas référence dans son texte.

Messages éphémères et chiffrés

Ces dernières semaines, des rumeurs avaient évoqué la possible création par Facebook d’une messagerie unifiée entre Messenger, Instagram et WhatsApp. Cette piste avait été démentie par Nick Clegg, le responsable des affaires publiques de Facebook. Dans son long texte, Mark Zuckerberg n’explique pas de manière précise à quels services ses « réflexions » pourraient aboutir. Mais le fondateur du plus grand réseau social au monde semble vouloir s’inspirer des outils qui ont fait le succès de la messagerie WhatsApp, qu’il cite comme exemple. « Nous devons partir de l’usage le plus fondamental et le plus privé, les messages, le rendre aussi sécurisé que possible, et ensuite élaborer de nouvelles manières d’interagir à partir de cette base, comme les appels audio, vidéo, les groupes, les stories, les fonctionnalités d’entreprise, les paiements… », écrit-il. Tout juste fait-il allusion à de « futures versions de Messenger et de WhatsApp », appelées selon lui à devenir « les principales manières de communiquer sur les réseaux de Facebook ».

M. Zuckerberg estime également qu’il est nécessaire, pour l’évolution de Facebook, de réduire la permanence des messages, c’est-à-dire le fait que leurs anciens messages restent aisément consultables. « Les utilisateurs doivent pouvoir se sentir à l’aise d’exprimer qui ils sont, et ne devraient pas devoir s’inquiéter que ce qu’ils ont partagé dans le passé puisse revenir les hanter », écrit-il, évoquant la possibilité pour tous les nouveaux messages de s’effacer automatiquement au bout d’un mois par défaut. L’ensemble des communications devrait également être chiffré par défaut, comme sur WhatsApp, estime M. Zuckerberg, qui dit comprendre les récentes critiques des gouvernements qui souhaitent pouvoir accéder aux contenus des communications. Mais « le bon équilibre », estime-t-il, « penche vers la mise en place du chiffrement pour toutes les communications privées ».

Moins de données collectées ?

Mais le grand public est-il prêt à faire confiance à Facebook pour protéger sa vie privée, alors que l’entreprise a traversé une série de scandales, dont l’affaire Cambridge Analytica, montrant que le réseau social a traité les données personnelles de ses utilisateurs avec très peu de considération ? « Je comprends que beaucoup de personnes ne pensent pas que Facebok puisse ou veuille construire une plate-forme centrée sur la vie privée – très franchement, nous n’avons pas aujourd’hui une très bonne réputation sur ce sujet, et nous nous sommes historiquement concentrés sur les outils qui facilitaient un partage ouvert. Mais nous avons régulièrement montré que nous pouvons évoluer, et construire les services que les utilisateurs désirent, comme des messageries sécurisées. »

Gage de bonne volonté ? Mark Zuckerberg se dit également prêt à ce que Facebook « limite la durée pendant laquelle nous stockons les métadonnées ». Ces données qui « entourent » un message – son heure d’envoi, son destinataire… – font partie des informations les plus précieuses que collecte Facebook. En grand nombre et sur la durée, ce sont elles qui permettent d’établir un profil précis d’un utilisateur et de ses contacts, même si les messages qu’il échange sont chiffrés. « Une partie importante de la solution serait de collecter moins de données personnelles tout court », écrit Mark Zuckerberg. Une possible concession face aux très nombreuses critiques des défenseurs et régulateurs de la vie privée, qui s’inquiètent des gigantesques quantités de données collectées et conservées par Facebook sur ses utilisateurs, et même sur des internautes n’utilisant pas ses services.