Le siège du groupe Hugo Boss, à Metzingen (sud-ouest de l’Allemagne), en juin 2017. / Michaela Rehle / REUTERS

Hugo Boss se redresse. La marque emblématique de costumes haut de gamme « Made in Germany » a annoncé, jeudi 7 mars, une croissance de 2 % sur l’année 2018, portant le chiffre d’affaires à 2,8 milliards d’euros, et un résultat opérationnel stable (491 millions d’euros), après des années de restructuration. Ce rétablissement est l’un des rares signes d’optimisme dans un secteur textile allemand gagné par la morosité, avec une multiplication des faillites ces derniers mois. De nombreuses marques, pourtant établies de longue date, luttent pour leur survie.

Mark Langer, patron du groupe Hugo Boss depuis 2016, est convaincu que l’année 2019 doit permettre à la marque de renouer avec ses années fastes. « Nous sommes sûrs qu’en 2019, et au cours des années suivantes, nous aurons une croissance rentable », a-t-il déclaré dans un communiqué, jeudi matin. Reste qu’après des années de réorganisation de ses marques (Hugo et Boss) et de ses magasins, le groupe de Metzingen (Bade-Wurtemberg) est encore loin de ses objectifs. Il vise une croissance du chiffre d’affaires de 5 % à 7 % par an d’ici à 2022, et une hausse de la marge opérationnelle de 15 %.

Hugo Boss mise désormais sur le marché asiatique et les ventes en ligne pour faire repartir ses ventes

Hugo Boss souffre d’erreurs stratégiques prises au début des années 2010 : la concentration sur le luxe plus que sur le haut de gamme, et l’extension excessive du réseau de boutiques. Après un avertissement sur les résultats en 2016, le groupe a lancé un vaste aggiornamento et fermé des magasins. Il mise désormais sur le marché asiatique et les ventes en ligne pour faire repartir ses ventes.

Les résultats rassurants corrigeront-ils l’image d’une filière en souffrance ? Difficile à dire, tant les mauvaises nouvelles s’accumulent sur le marché allemand du textile. La dernière faillite a été annoncée mardi 5 mars : le groupe Vidrea, propriétaire de 163 magasins récemment rénovés, s’est placé en cessation de paiement après un été catastrophique. Courant janvier, deux autres firmes textiles allemandes ont déposé le bilan : AWG, qui dispose de 300 magasins dans le pays, et le groupe Gerry Weber, incontournable dans les centres commerciaux et les artères commerçantes des villes d’outre-Rhin.

Explosion du commerce en ligne

Plus emblématique encore, le groupe Esprit, qui subit une forte érosion de son chiffre d’affaires, a annoncé fin 2018 un plan social draconien, dont les contours ont été précisés fin février. Au total, 400 emplois doivent disparaître dans la centrale de Ratingen, près de Düsseldorf (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), ainsi que dans les structures administratives du groupe à travers le monde. Les magasins les moins rentables devront fermer (le groupe en compte 137).

L’été caniculaire, qui a tenu les consommateurs éloignés des boutiques de mode, a accéléré la crise du secteur. Les enseignes traditionnelles de mode allemande ne profitent pas de la robustesse de la consommation, dopée par le plein-emploi et les hausses de salaire dans les grands secteurs de l’économie. Elles se battent depuis plusieurs années contre une érosion de leur chiffre d’affaires liée en partie à l’explosion du commerce en ligne.

Mais ce n’est pas le seul facteur. Il y a aussi un problème de demande : les dépenses des Allemands en vêtements et chaussures n’ont presque pas augmenté en vingt ans. Selon l’institut Destatis, ils n’ont consacré en 2016 que 4 % de leur budget à des produits textiles, un plancher historique. La concurrence, elle, s’est sensiblement exacerbée.

Les groupes allemands, focalisés sur le milieu de gamme, n’ont su rivaliser ni en offre contre les géants comme Zara et H&M, capables de renouveler leur assortiment en permanence, ni en prix contre les hard-discounters comme Primark, en forte croissance, qui a ouvert 28 magasins de grande taille en Allemagne ces dix dernières années.