Le prélat âgé de 68 ans a expliqué n’avoir appris les agressions reprochées au père Preynat qu’en 2014, quand une victime se confia à lui. / JEFF PACHOUD / AFP

« Je ne vois pas de quoi je suis coupable », a déclaré le cardinal Philippe Barbarin lors de son procès à Lyon. Jeudi 7 mars, après deux mois de délibéré, il saura si le tribunal correctionnel le condamne ou non pour ne pas avoir dénoncé les agressions sexuelles d’un prêtre de son diocèse.

L’audience de début janvier avait marqué les esprits, tant le prélat incarne depuis trois ans en France la crise de l’Eglise face à la pédophilie, qui vient de faire l’objet d’un sommet inédit de la hiérarchie catholique au Vatican.

A l’issue des débats, la procureure Charlotte Trabut n’avait pas requis de peine à l’encontre de l’archevêque, ni des cinq anciens membres du diocèse poursuivis avec lui, tout en assurant de son impartialité :

« Le ministère public ne s’oppose pas aux parties civiles, pas plus qu’il ne soutient mordicus les prévenus ».

Une position délicate à tenir après les témoignages, crus et poignants, livrés à la barre par d’anciens scouts à l’origine de l’affaire. Mais un avis conforme à celui du parquet, qui avait classé sans suite une première enquête en 2016. Les six accusés encourent trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.

Soutenus par l’association de victimes La Parole libérée, neuf hommes avaient d’abord accusé le père Bernard Preynat d’avoir abusé d’eux – des faits pour lesquels ce dernier n’a pas encore été jugé – avant de porter plainte contre ceux qui n’ont rien dit des agissements du prêtre.

Faute de poursuites, ils ont lancé en 2017 une procédure de citation directe devant le tribunal, qui leur garantissait un procès pour la première fois depuis la révélation de l’affaire fin 2015. François Devaux, cofondateur de La Parole libérée, dément tout « acharnement contre la personne » de Mgr Barbarin, mais il lui paraît « important que ce débat ait eu lieu au sein d’un tribunal », puisque « le pape ne prend pas ses responsabilités pour appliquer la tolérance zéro qu’il prône depuis des années » sur les agressions sexuelles dans l’Eglise.

Procès exemplaire

François Devaux, cofondateur de La Parole libérée. / Laurent Cipriani / AP

Conduit il y a deux mois par la présidente de la 17e chambre correctionnelle, Brigitte Vernay, le procès a été à la hauteur des enjeux. Et une épreuve pour les mis en cause, à commencer par Mgr Barbarin, traité de « menteur » par un avocat des parties civiles.

Le prélat âgé de 68 ans a expliqué n’avoir appris les agressions reprochées au père Preynat qu’en 2014, quand une victime se confia à lui. Pour Me Jean Boudot, avocat des parties civiles, le cardinal était au courant depuis 2010 au moins, date à laquelle il s’était entretenu avec le prêtre sur les « rumeurs » qui couraient à son sujet.

La défense a pour sa part plaidé la relaxe tout en se disant bouleversée par la douleur des victimes. « Mais la douleur n’est pas le droit », a estimé Me Jean-Félix Luciani, avocat du primat des Gaules.

En 2001 puis en 2018, des évêques ont été condamnés dans des affaires similaires. Quelle qu’en soit l’issue, les plaignants affirmaient en janvier attendre de ce procès « le début d’une nouvelle ère ». « Je crois en toute humilité que l’Eglise de France s’en souviendra ».