Le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, cherche à gagner du temps sur un projet qui divise profondément son gouvernement. Le premier ministre italien a estimé, jeudi 7 mars, que le projet de liaison ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin ne semble pas un projet dont l’Italie a besoin, appelant à sa révision. « J’ai exprimé de forts doutes et ma perplexité sur l’opportunité de cet ouvrage. Je ne suis vraiment pas convaincu qu’il s’agisse d’un projet dont l’Italie a besoin », a déclaré M. Conte lors d’une conférence de presse.

Constatant l’incapacité de son gouvernement à trouver un compromis sur un sujet où les deux forces politiques de la majorité sont aux antipodes, il a demandé à la France et à l’Union européenne de rediscuter ce projet pour évaluer les « doutes et la perplexité » de l’exécutif italien. « Nous agirons ensuite » sur la base de ces discussions, a ajouté le chef du gouvernement italien. M. Conte a également assuré que la répartition des coûts entre la France et l’Italie n’apparaissait « pas juste à l’heure actuelle » et « c’est un aspect qui doit être approfondi dans de nouvelles discussions », a-t-il ajouté.

Polémiques au sein de la majorité

Cette liaison ferroviaire entre Lyon et Turin alimente depuis des mois les polémiques au sein de la majorité formée par la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini, favorable à cette ligne à grande vitesse (LGV), et le Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème) de Luigi Di Maio, farouchement opposé au projet qu’il considère comme un gaspillage d’argent public.

Reprenant des éléments de l’analyse coûts-bénéfices réalisée pour le compte du ministère des transports italien, M. Conte a énuméré plusieurs facteurs négatifs concernant ce dossier. Il a notamment cité les flux de trafic sur le rail qui, selon des projections statistiques, seraient beaucoup plus faibles qu’escompté auparavant. Le système tel qu’il est conçu – apporter avec des camions des marchandises pour les charger sur le train et les reprendre après sur un camion – pourrait inciter les entrepreneurs à ne pas se compliquer la vie et à effectuer tout le trajet en camion, a-t-il encore souligné.

Le chef du gouvernement avait annoncé en début de semaine qu’il déciderait « d’ici à vendredi » de poursuivre ou non les travaux de la LGV. Mais le sommet gouvernemental dans la nuit de mercredi à jeudi n’a pas permis de trouver un compromis. Vieux de plusieurs décennies, le projet de LGV Lyon-Turin vise à réduire les transports de camions pour les transférer sur le rail et à diviser par deux le temps de trajet pour les passagers, en mettant Turin à deux heures de Lyon. Son élément central est un tunnel de 57,5 kilomètres qui a commencé à être creusé dans les Alpes italiennes et françaises et dont le coût est estimé à 8,6 milliards d’euros.

Une analyse coûts-bénéfices commandée par le gouvernement italien a estimé que cette ligne présenterait « une rentabilité très négative », avec des coûts supérieurs de sept milliards d’euros à ses bénéfices d’ici à 2059. Mais la composition de la commission d’experts et la méthodologie utilisée sont très contestées.