« On est maudits, c’est tout ! » Accoudé au zinc d’une brasserie du 18e arrondissement de Paris, Jérémy n’en revient toujours pas. Vingt-quatre heures après l’élimination du Paris-Saint-Germain face à Manchester United en huitième de finale de la Ligue des champions, mercredi 6 mars, aucune explication rationnelle ne lui vient pour tenter de donner un sens à l’inconcevable naufrage de son club de cœur.

En terrasse, l’élimination de la veille est sur beaucoup de lèvres. Pour Stéphane, l’issue de cette rencontre restera pour longtemps un cauchemar éveillé : « Est-ce mon pire souvenir en vingt ans d’abonnement ? Très sûrement. On se fait tout de même sortir par l’équipe bis de United, alors que notre équipe actuelle est certainement la plus équilibrée et la meilleure de l’histoire du club. »

Comment expliquer une telle déconvenue face à une équipe techniquement plus faible, et qui plus est handicapée par de nombreuses blessures et la suspension de son maître à jouer français, Paul Pogba ? Entre deux gorgées de Jupiler, Romain, supporteur de 27 ans, propose une analyse systémique, convaincu que c’est par la tête que pourrit le poisson : « C’est la gouvernance de l’institution PSG qu’il faut critiquer. A commencer par le patron, Nasser [Al-Khelaïfi, le président du club] qui ne parvient pas à imposer son autorité sur le club. »

« Chaque année, c’est bis repetita »

Stéphane, le barman à l’accent nissart, tient, lui, les joueurs pour principaux responsables de la débâcle de mercredi : « Les gars émargent à 800 000 euros par mois et sont incapables de faire la différence. C’est une faute professionnelle ! » Une explication trop sommaire pour convaincre Julien, un habitué de l’établissement : « On ne peut pas tout réduire à une question d’argent. Il y a une grande part de psychologie dans cet échec. Les joueurs n’ont pas su gérer la pression. »

A l’écoute de cet argument, Damien, ancien abonné de la tribune Auteuil ayant connu les heures les plus sombres du club, manque de s’étrangler : « La pression ? Qu’ils aillent demander à notre équipe de 2007-2008 ce que c’est que la pression ! Quand il fallait sauver le club relégable lors de la dernière journée du championnat. La peur de perdre ne se compare pas avec la peur de gagner ! »

Et si cette nouvelle élimination était l’illustration d’une forme d’hybris de cette équipe, qui survole le championnat français sans coup férir et s’effondre dès que le niveau de l’adversité monte. Supportrice passionnée du PSG, Audrey défend cette analyse : « Nous nous surestimons. Nous voyons Paris comme un grand club parce qu’on domine la L1 de la tête et des épaules. Mais dès qu’on sort de notre zone de confort, ce n’est plus la même danse. » Un constat partagé par Théo : « Chaque année, c’est bis repetita. On met des 8-0 pendant six mois, on prend une tarte en Europe et on oublie vite parce qu’on remet des 8-0 pendant six mois. »

« C’est dans notre ADN d’être des gros loosers »

Membre actif du Collectif Ultras Paris (CUP), Thomas – à sa demande, le nom a été changé – décrit la frustration qui règne au sein de l’association : « Au sein du CUP, c’est la douche froide. La colère et la rancœur sont très fortes. » Pour ce supporteur, cette nouvelle élimination est un retour cruel au regard de l’investissement des fans et des ultras : « Nous suivons ce club par monts et par vaux, en France comme en Europe. On pose des jours et on s’endette pour Paris ! Voyez comme nous sommes remerciés ! »

« Que dire à part qu’on passe encore pour des cons devant tout le monde ?, se désole Théo, supporter du PSG de 25 ans. C’est dans notre ADN d’être des gros loosers, voilà ce qui nous définira pendant encore quelque temps. »

Dans ce contexte, que faire pour sortir de l’ornière ? Limoger le directeur sportif Antero Henrique ? Intégrer d’anciens du club à l’organigramme ? Recruter des joueurs plus agressifs ? Les propositions des supporteurs pour redorer le blason du PSG ne manquent pas… « Nous sommes l’âme du PSG. Dirigeants et joueurs ne sont que de passage », conclut finalement Thomas, d’une voix sentencieuse.

Victor-Isaac Anne