Editorial du « Monde ». A la veille du huitième anniversaire de la catastrophe de Fukushima, le 11 mars 2011, au Japon, il faut garder en mémoire, comme une salutaire piqûre de rappel, l’avertissement constant de l’Autorité de sûreté nucléaire française : un accident majeur est possible partout dans le monde, y compris dans notre pays.

Mais il est une autre menace, plus insidieuse et plus diffuse : celle des déchets nucléaires, dont l’accumulation va léguer aux générations futures un héritage de plus en plus lourd. Pour la première fois, le sujet va faire l’objet d’une consultation publique.

Avec ses 58 réacteurs en activité – le parc le plus important après celui des Etats-Unis –, les laboratoires de recherche du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, les usines de fabrication et de retraitement du combustible, ainsi que les activités nucléaires liées à la défense nationale, la France possède aujourd’hui un stock de plus de 1,5 million de mètres cubes de déchets radioactifs, dont le volume est appelé à tripler ou à quadrupler dans les prochaines décennies. Le démantèlement progressif des plus vieux réacteurs va en effet générer des quantités toujours plus grandes de nouveaux résidus.

Aucune solution de gestion

Certes, il s’agit, pour 90 % d’entre eux, de produits de faible ou moyenne activité, voire de très faible activité, à vie courte. Mais, au fur et à mesure de leur amoncellement, même les rebuts les moins nocifs posent un problème croissant. L’un des deux centres de stockage exploités, dans l’Aube, par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, sera saturé entre 2025 et 2030. Un nouveau site sera ensuite requis. Pour certains déchets anciens, de faible activité mais à vie longue, il n’existe encore en France aucune solution de gestion.

Ce sont les produits de haute activité ou à vie longue qui sont le plus gros défi. Ils ne représentent que 3 % du stock total, mais ils concentrent 99,8 % de sa radioactivité et resteront potentiellement très dangereux pour la santé et l’environnement pendant des centaines de milliers d’années. Ce sont ces produits qu’il est prévu d’enfouir pour l’éternité, à 500 mètres sous terre, dans le sous-sol argileux de la commune de Bure, dans la Meuse. Une solution présentée par la filière nucléaire comme « la meilleure option », et dont l’ex-ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, est convenu qu’elle n’était que « la moins mauvaise ». Dans l’immédiat, il n’en existe pas d’autre.

Débat consultatif

L’atome a fourni jusqu’ici aux Français une énergie compétitive et pourvoyeuse d’emplois. Très peu carboné, il peut en outre contribuer, à sa mesure, à la lutte contre le dérèglement climatique. Pour autant, il importe de mettre dans la balance le fardeau des déchets radioactifs, d’autant plus qu’il existe aujourd’hui des filières d’énergie renouvelable de plus en plus performantes.

L’exécutif a repoussé de 2025 à 2035 l’échéance à laquelle la part de l’électricité d’origine nucléaire doit être ramenée à 50 % (contre 75 % aujourd’hui), laissant la porte ouverte à la construction d’un nouveau parc de réacteurs qui engagerait de nouveau la France pour au moins un siècle. Mais l’Etat ne saurait se dispenser de prendre en compte, dans les arbitrages à venir, le problème de déchets dont l’échelle de temps excède de beaucoup celle des gouvernements. Le débat public organisé d’avril à septembre est important. Il n’est que consultatif, mais, plus la participation citoyenne sera large, plus il pèsera sur les futures décisions.