Il lui suffit de quelques minutes pour vous faire passer par toutes les ­couleurs de l’arc-en-ciel. Avoir la chance d’intercepter Vimala Pons, c’est se ­retrouver vite fait bien fait les bras chargés d’un énorme paquet d’histoires et d’émotions servi chaud bouillant. Cirque, cinéma, photo, littérature, la vie, la mort, celle qui aime dire que sa vie lui « arrive par Post-it et par bons comme une pochette-surprise » en est une énorme, débordante, sans fond.

En vedette depuis 2016 dans le sidérant spectacle GRANDE –, créé en duo avec Tsirihaka Harrivel, son partenaire depuis 2005, Vimala Pons, 35 ans, experte en ­portés d’objets sur la tête, fait l’inauguration de la nouvelle Maison des artistes de La Brèche, à Cherbourg-en-Cotentin. Avec Tsirihaka, elle a conçu Ouverture, ­entre music-hall et concert live, fêtant au passage la sortie de leur ­premier album, Victoire Chose. Un jus pressé à partir de GRANDE –, dont la musique est créée et jouée en direct par Vimala (chant, clavier, clarinette) et Tsirihaka (chant, ­clavier, guitare, trompette).

Un nouveau strip-tease

« Ouverture » se fera donc en fanfare ! Au cœur d’un dispositif quadriphonique alimenté par des équipes musicales différentes (Papier Tigre, Electric Electric, Pneu et Marvin), avec en prime le groupe de rock Deux Boules Vanille, cette soirée jette Tsirihaka Harrivel dans un numéro textuel et sonore, tandis que Vimala Pons testera un nouveau strip-tease, deuxième d’une future collection entamée dans GRANDE –, et qui n’est pas près de se terminer. Souvenir d’elle en robe de ­mariée épluchant de multiples couches en godillant d’un pied sur l’autre sous la masse d’un mannequin de 12 kilos posé en équilibre sur son crâne.

« Le mannequin pèse lourd, les robes m’empêchent de respirer, je suis en permanence déséquilibrée. L’empêchement se laisse oublier par la lutte pour se libérer. »

Cet exercice de sex-appeal milligrammé qu’est l’effeuillage, Vimala Pons le transforme en épreuve de force, liquidant au passage une collection féminine allant de la religieuse à la danseuse de revue pour finir très naturellement à poil. Avec toujours ce sens des situations incommodes, comme marcher avec le slip aux chevilles et ce sourire délicatement insolent qui défait les clichés sans s’y attarder. « Au départ, je pensais que le public allait d’abord voir la contrainte à laquelle je m’affronte, s’amuse-t-elle. Paradoxalement, comme l’épuisement au cirque qui passe généralement complètement inaperçu des spectateurs, elle ne se voit pas beaucoup. C’est la libération qui apparaît davantage. Le mannequin pèse lourd, les robes m’empêchent de respirer, je suis en permanence déséquilibrée. L’empêchement se laisse oublier par la lutte pour se libérer. »

Pas tout à fait pour rien que Vimala Pons s’appelle Tarzan et Truquette dans des films comme La Loi de la jungle (2016) ou La Fille du 14 juillet (2013), signés par Antonin Peretjatko. Elle entend bien faire passer au cinéma le message d’une féminité libre et décodante, sans attaches. Même combat sur la piste, où elle démonte la mécanique des représentations de la femme. « J’aime le cirque parce que c’est la confusion des genres dans tous les sens du terme, commente-t-elle. Il dégenre en quelque sorte les stéréotypes masculins et féminins. Avec ­Tsirihaka, on est allés au-devant des ­clichés pour les critiquer, mais aussi les embrasser avec beaucoup de tendresse. »

« Art de la coalition »

Miroitant en permanence de nuances infimes, du burlesque au tragique, avec la gouaille en arrosage régulier pour faire crisser les images, le cirque, « art de la coalition » selon Vimala Pons, est nourri de références aussi variées que son parcours. Née en Inde, installée en France à l’âge de 7 ans, elle pratique le tennis et le karaté jusqu’à 15 ans. Elle étudie ensuite l’histoire de l’art, le cinéma, intègre le Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris puis le Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne en 2006. Chez elle, tout fait corps et sens.

Parmi les figures inspirantes, Vimala Pons cite la « casse-cou dans sa voiturette », l’artiste de la piste Mauricia de Thiers (1880-1964), la meneuse de revue des Folies Bergère Gaby Deslys, la ­photographe Claude Cahun et sa quête identitaire, les Riot Girls, mais aussi les circassiennes Jeanne Mordoj et Titoune. « Ce sont des femmes qui ont toutes compris quelque chose d’elles-mêmes à travers leurs corps », glisse-t-elle. Elle s’apprête à tourner dans le film Comment je suis ­devenu un super-héros, de Douglas Attal. Comme si elle n’était pas déjà méta-humaine ! Pour le strip-tease d’Ouverture, elle portera un rocher de 3 mètres de hauteur avec 180 couches de vêtements à arracher top chrono !

Ouverture, de Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel. Le 13 mars à 21 heures, La Brèche, Cherbourg-en-Cotentin.