Un avion du gouvernement algérien atterrit à l’aéroport de Genève (Suisse), le 10 mars 2019, où le président algérien Abdelaziz Bouteflika est hospitalisé. / DENIS BALIBOUSE / REUTERS

L’avion privé du gouvernement algérien, qui avait conduit le président en Suisse le 24 février, a redécollé, dimanche 10 mars, aux alentours de 16 heures (heure locale) de l’aéroport international de Genève. Un peu plus tôt dans l’après-midi, un important convoi pouvant transporter Abdelaziz Bouteflika a quitté les hôpitaux universitaires de Genève (HUG), où était hospitalisé le chef de l’Etat.

Fidèle au secret qui entoure la santé du chef de l’Etat depuis six ans, la présidence n’a pas confirmé le retour du président en Algérie, où des manifestations contre la candidature de M. Bouteflika continuent de bouleverser le pays.

Le jet qui avait transporté le président voilà deux semaines a atterri un peu avant 10 heures ce matin. Tout au long de la journée, les rumeurs ont circulé sur un possible retour du chef de l’Etat en Algérie. Une dizaine de personnes ont tenté de se rassembler devant les hôpitaux universitaires de Genève, où l’accès était interdit, gardé par une dizaine d’officiers de police suisses et survolé par un hélicoptère.

Certains ont fait le déplacement depuis la région parisienne, en covoiturage, et même depuis Alger. Comme Samia Berbara, une Algéroise de 36 ans, venue pour participer à un appel à rassemblement lancé cette semaine sur les réseaux sociaux. « Je suis venue apporter des fleurs à mon président, lui dire que maintenant, il faut qu’il se repose », ironise Samia, enveloppée du drapeau algérien.

« Les gens souffrent beaucoup. Aujourd’hui, tout ce qu’ils souhaitent, c’est qu’il meure avant les élections du 18 avril », confie son époux Emmanuel, 41 ans. Tous les deux sont venus depuis Alger, via Marseille en voiture, pour manifester contre la candidature de M. Bouteflika à un cinquième mandat. « On a fait tout ce chemin parce qu’on trouve que c’est important de montrer notre mécontentement, tout le monde apporte sa contribution au mouvement », raconte l’Algéroise.

« Toute cette situation est un sketch »

Sami et Amine, deux frères franco-algériens, et leurs amis Bachir et Chokri sont arrivés ce matin de Seine-Saint-Denis, en région parisienne. « Donnez-nous des nouvelles de notre président », ont-ils crié en face de l’hôpital du centre de Genève, avant d’être chassés par les autorités. « Toute cette situation est un sketch. On a une marionnette en guise de président, on ne sait pas s’il est mort ou vivant et le monde entier se moque de nous », déplore Sami.

Depuis que les Algériens ont eu la confirmation, le 4 mars, que leur président se trouvait bel et bien en Suisse, dans une séquence de l’émission française « Quotidien » qui a filmé le frère du président, Nacer Bouteflika, dans les couloirs de l’hôpital, des milliers d’entre eux ont participé une campagne de harcèlement du standard des HUG de Genève pour inciter la direction à communiquer sur l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika. Des appels à un départ collectif en covoiturage de Paris à Genève ont également été lancés sur les réseaux sociaux.

A Genève, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées dans la semaine, d’abord en face de l’hôpital, depuis devant le palais Wilson, pour affirmer leur soutien à la contestation en Algérie. L’homme d’affaires controversé et opposant algérien Rachid Nekkaz a aussi participé au rassemblement du 8 mars, avant d’être interpellé. Le même jour, une avocate agissant pour le compte d’une citoyenne algérienne non identifiée a déposé une requête devant un tribunal suisse demandant le placement sous curatelle de M. Bouteflika en raison de son état de santé.

Examens médicaux périodiques

Le président algérien, 82 ans, occupait une chambre dans une « division privée » au huitième étage de cet hôpital genevois. Il y était hospitalisé depuis le 24 février officiellement « pour des examens médicaux périodiques » qui ne devaient a priori durer que quelques jours, selon les informations données par la présidence.

Agé, malade et lourdement handicapé depuis un accident vasculaire cérébral en 2013, le chef de l’Etat, dont le peuple n’a pas entendu la voix depuis, a tout de même déposé sa candidature le 3 mars alors qu’il se trouvait encore en Suisse. Son directeur de campagne, Abdelghani Zaalane, s’est chargé d’effectuer le dépôt du dossier alors que la candidature doit être déposée par le candidat lui-même.

L’annonce a attiré les foudres des Algériens qui manifestent depuis le 22 février contre un nouveau mandat de M. Bouteflika à l’élection présidentielle prévue le 18 avril. Vendredi 8 mars, les Algériens sont sortis par dizaines de milliers dans les principales villes de province comme dans la capitale malgré le message que leur avait adressé la veille le président. Il y était question de vigilance contre une possible infiltration du mouvement de contestation par une « quelconque partie insidieuse, de l’intérieur ou de l’extérieur », susceptible de provoquer le « chaos ».

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