Les joueurs du XV de France après leur défaite à Dublin, dimanche 10 mars. / CLODAGH KILCOYNE / REUTERS

A l’entraînement, on appelle l’exercice un « attaque-défense ». Une équipe attaque, l’autre défend. Problème : jusqu’à preuve du contraire, il s’agissait bien d’un match de compétition, dimanche 10 mars après-midi. Un match que le XV de France a de nouveau perdu, cette fois sur le terrain de l’Irlande, à Dublin : voilà déjà sa troisième défaite (26-14 à la fin du match, 19-0 à la mi-temps) en quatre rencontres de ce Tournoi des six nations.

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Chez les tenants du titre, combien de fois ont-ils posé un semblant de crampon dans les 22 mètres adverses, ces Français ? Combien de fois ont-ils entraperçu la ligne d’en-but irlandaise ?

Question légitime, en conférence de presse d’après-match. Depuis le sous-sol du stade, on entend le vent du dehors, comme on devine toutes les interrogations dans la tête des joueurs.

En première période, les Irlandais « nous ont étouffés, reconnaît Jacques Brunel. Bilan du sélectionneur français, après la facile victoire de ses adversaires : « Je ne pouvais pas imaginer qu’on subirait autant. »

La ligne médiane jamais passée pendant 40 minutes

Le XV de France, pourtant, a une certaine expérience de la défaite : déjà onze en quinze matchs pour Brunel. Mais rarement il a perdu comme ce dimanche. Sans jamais dépasser la ligne médiane pendant les quarante premières minutes, sauf pour les renvois consécutifs aux trois premiers essais irlandais (après un peu plus de 2 minutes de jeu…) ; un quatrième suivra en seconde période pour le XV du Trèfle.

Ah, une exception tout de même, en tout début de match : cet essai que le Français Thomas Ramos croyait avoir inscrit mais que l’arbitre lui a refusé, Damian Penaud ayant commis un en-avant..

Ah, deux autres exceptions, en toute fin de match : deux essais que la France a cette fois bien marqués, alors que l’Irlande avait arrêté de se fatiguer depuis longtemps. L’un par Yoann Huget (77e minute) ; l’autre, par le remplaçant Camille Chat (80e).

Deux essais pour éviter l’affront d’une défaite sans inscrire le moindre point ; dans le Tournoi, la dernière performance française de ce genre remonte à un camouflet en Ecosse il y a fort longtemps : 21-0 en 1990.

« Un peu impuissant »

Sinon, cet après-midi, le néant ! « Quand on ne touche pas un ballon, on se sent un peu impuissant », reconnaît Ramos, sur le ton de l’évidence. Alors « on court » dans le vide. « On court derrière le ballon, poursuit le jeune arrière, on le suit, on essaie de combler les espaces derrière pour ne pas que les Irlandais jouent au pied. »

Il y a quelque chose de malheureux, à entendre parler ainsi l’arrière du XV de France. Un contraste terrible, surtout, avec ce qu’il montre le week-end au Stade toulousain ballon en main. Même chose pour les autres Toulousains, les demis Antoine Dupont et Romain Ntamack, l’ailier Yoann Huget… Ceux-là même qui ont passé l’après-midi désœuvrés à jouer dans leur propre camp lorsqu’on les attendait plutôt des dizaines de mètres plus loin.

Le Clermontois Arthur Iturria a aussi modérément apprécié sa journée. « Aujourd’hui, les Irlandais avaient le beau rôle, ils avaient le ballon, ils se sont déplacés plus vite que nous et malheureusement on est encore passé pour des guignols », regrette le troisième ligne. « Ils ont joué de façon très simple, un jeu direct », ajoute Gaël Fickou.

« Pas d’inquiétude »

Ce sentiment peut s’expliquer. Mais cela prendrait du temps. Il faudrait analyser pêle-mêle le nombre de pénalités concédées par les Français ; le nombre de minutes pendant lesquelles l’Irlande a occupé le camp français (89 % du temps en première période) ; celui pendant lesquelles l’Irlande a possédé le ballon (77 % du temps, également en première période). Il faudrait expliquer, enfin, pourquoi le XV de France a été contraint de plaquer quasiment deux fois plus que son adversaire : 193 fois contre 115.

Moralité : Gallois, Anglais et Irlandais conservent l’espoir de remporter l’édition 2019 du Tournoi des six nations à une semaine du dernier match. Pour sa part, samedi 16 mars, en Italie, le XV de France essaiera simplement d’éviter une quatrième défaite en cinq matchs.

Pour autant, « pas d’inquiétude » à se faire avant la Coupe du monde au Japon, dans six mois. Les mots sont de Jacques Brunel en conférence de presse, devant des interlocuteurs quelque peu incrédules.