L’avocat Sébastien Courtoy, au palais de justice de Bruxelles, jeudi 7 février 2019. / Stephanie Lecocq / AP

La cour d’assises de Bruxelles a déclaré, jeudi 7 mars, Mehdi Nemmouche coupable de quatre assassinats terroristes perpétrés au Musée juif de Bruxelles, le 24 mai 2014. La peine du djihadiste français doit être fixée lundi 11 mars. Pour son avocat, le pénaliste Sébastien Courtoy, ce procès aurait pu marquer le sommet d’une carrière passée pour l’essentiel à défendre – en obtenant souvent des résultats – des djihadistes et des antisémites notoires devant la justice belge.

Sa défense de Mehdi Nemmouche était l’occasion pour Sébastien Courtoy de parfaire le personnage qu’il s’est patiemment construit, celui de l’avocat des « affreux », de frimeur talentueux dopé à l’adrénaline et aux cigarettes sans filtre. Elle n’aura peut-être servi qu’à transformer ce personnage en caricature. En fondant son plaidoyer peu étayé sur l’idée selon laquelle Mehdi Nemmouche avait été le jouet d’une machination libano-iranienne visant à assassiner des agents du Mossad, l’ancien avocat sulfureux du polémiste Dieudonné M’Bala M’Bala a basculé dans l’outrance provocatrice.

Fils de médecin, né en 1979 et issu de la haute bourgeoise wallonne, Sébastien Courtoy, qui passe d’après certains de ses confères cités par la presse belge pour un des meilleurs plaideurs francophones du pays, s’est notamment fait un nom en prenant la défense, à partir de 2005, de plusieurs suspects d’actes terroristes. Parmi ses premiers clients figurent deux islamistes établis en Belgique : Raphaël Gendron, un Franco-Algérien tué en Syrie en 2013, et son père spirituel, le cheikh radical franco-syrien Bassam Ayachi, un vétéran du djihad de 72 ans qui a été interpellé le 27 mars 2018 dans le département du Nord.

Islamistes radicaux et négationnistes

Sébastien Courtoy s’est aussi illustré en assurant la défense de Marouane El-Bali, un des responsables de la cellule djihadiste de Verviers, en Belgique, un groupe terroriste piloté par Abdelhamid Abaaoud, le futur coordinateur des attentats de Paris en 2015 et de Bruxelles en 2016. Il a également défendu le prédicateur islamique Jean-Louis Denis, condamné en 2016 pour propagande djihadiste et dont la peine a été divisée par deux en appel.

A côté de ces figures islamistes, plusieurs personnalités d’extrême droite apparaissent dans la carrière du pénaliste. Sébastien Courtoy a ainsi défendu l’ancien député belge Laurent Louis, condamné en 2015 pour des propos négationnistes, obtenant d’ailleurs en appel que sa condamnation soit gommée s’il visitait des camps de concentration.

A partir de 2012, il se rapproche également de Dieudonné M’Bala M’Bala, poursuivi par la justice belge pour des propos antisémites tenus lors d’un spectacle enregistré. Entre islamistes radicaux partis faire le djihad et négationnistes français ou belge, l’antisémitisme semble être le dénominateur commun de la partie la plus visible de la clientèle de l’avocat.

Une « quenelle d’or » en cadeau

Sébastien Courtoy est-il un opportuniste soucieux de s’illustrer en s’associant à des personnalités controversées ou un idéologue entretenant avec ses clients des haines partagées ? Lui prétend être mû par l’amour de l’art. « Il y en a qui se distinguent par le fric, moi, je me distingue par le risque, en défendant ceux qu’il est interdit de défendre », a-t-il assuré au quotidien belge L’Echo, qui lui a consacré un portrait. Défendre des terroristes est une question de « pure adrénaline » selon lui : « Alors que dans les affaires de droit commun le système est l’arbitre entre la victime et l’auteur, en matière de terrorisme, le système est la victime et ne peut plus en être vraiment l’arbitre. » Et Sébastien Courtois l’assure, il n’est pas antisémite.

Alors pourquoi avoir parlé au sujet des juifs de « communauté d’intouchables », ou reproché au parquet de Bruxelles d’avoir désigné une substitut du procureur « d’origine juive » pour une enquête sur Dieudonné M’Bala M’Bala, comme le rapporte le quotidien belge Le Soir ? Pourquoi avoir accepté de recevoir des mains du même Dieudonné M’Bala M’Bala une « quenelle d’or », récompense dont sont aussi lauréats le négationniste Robert Faurisson et le polémiste antisémite Alain Soral ? Sébastien Courtoy ira jusqu’à se faire photographier en train de faire une « quenelle », un geste « antisystème » soupçonné d’arrière-pensées antisémites, en compagnie de Dieudonné M’Bala M’Bala lui-même et de l’autre avocat en Belgique du polémiste, Henri Laquay, qui défend également Mehdi Nemmouche.

« Le droit, pas la morale »

Sébastien Courtois serait-il un « nouveau » Jacques Vergès ? L’avocat français, mort en 2013, a défendu au fil de sa carrière des terroristes issus de divers mouvements anti-impérialistes, liés à la cause palestinienne et à l’extrême gauche, dont il épousait les thèses. Animé par une haine farouche d’Israël, Jacques Vergès, qui fut aussi l’avocat du criminel nazi Klaus Barbie en 1987, utilisait ses plaidoiries pour faire le procès de l’Etat français et du camp occidental en général. En transformant la défense de l’accusé en une attaque contre les institutions judiciaires elles-mêmes et de l’ordre politique qu’elles incarnent, il pratiquait ce qu’il est convenu d’appeler une défense de rupture.

Cité par L’Echo, Sébastien Courtoy se défend de toute filiation avec le célèbre pénaliste français : « Je ne l’aime pas. Il faisait le procès de rupture qui aboutissait à une défaite. Moi, je fais le procès de rupture de connivence. Je demande aux juges de faire triompher le droit, pas la morale. » Plus qu’un triomphe du droit, sa plaidoirie aux accents complotistes lors du procès de Mehdi Nemmouche a davantage évoqué un mauvais roman d’espionnage, une extravagance de mauvais aloi qualifiée d’« hallucinante » par les parties civiles.

Joint par Le Monde, Sébastien Courtoy n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.