Manifestation de chauffeurs Uber, à Paris, le 18 décembre 2015. / KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Le conseil de prud’hommes de Paris rend, lundi 11 mars, sa décision sur la demande de requalification du contrat de neuf conducteurs de VTC demandant à être reconnus comme salariés d’Uber. Il s’agit de la première action collective contre Uber, grand groupe américain de services de véhicules de transport avec chauffeur (VTC), les précédentes décisions ayant été rendues à titre individuel, selon le secrétaire général du Syndicat des chauffeurs privés VTC (SCPVTC), Sayah Baaroun, à l’origine du recours.

La décision pourrait être « historique », dit-il, et surtout avoir des conséquences financières désastreuses pour la plate-forme si les recours se multipliaient. « Nous avons déjà déposé dix nouveaux dossiers au conseil de prud’hommes et dix autres sont en préparation », prévient Sayah Baaroun.

Jusqu’à présent, il était difficile pour ces chauffeurs d’être reconnus comme salariés et de bénéficier des droits sociaux correspondants (congés payés ou indemnités journalières, par exemple). La plupart des tribunaux qui ont statué sur le sujet ont estimé que la liberté horaire dont ces prestataires disposaient faisait « obstacle à une reconnaissance d’un contrat de travail ».

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a toutefois ouvert la porte à de nouvelles interprétations de la loi en novembre, avec un jugement portant sur un livreur à vélo de la plate-forme Take Eat Easy, depuis liquidée.

« L’argument déterminant, qui était de dire : “Ils sont nécessairement indépendants puisqu’ils travaillent quand ils veulent, le temps qu’ils veulent et avec qui ils veulent”, (…) est balayé par la Cour de cassation », a expliqué l’avocate des chauffeurs, Me Sylvie Topaloff lors de l’audience du 18 décembre, devant le conseil de prud’hommes de Paris. « La Cour de cassation veut (…) dire : attention, ce n’est pas la volonté des parties ou la dénomination qu’ils donnent à leur convention qui fait le statut d’indépendant ou de salarié, c’est au juge d’apprécier si les éléments caractérisant la subordination sont réunis. »

L’instance avait estimé que l’application Take Eat Easy, qui était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel du travailleur et la mise en place de sanctions, témoignait d’un « pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution » et donc d’un « lien de subordination ».

« Travailleurs contraints »

Me Sylvie Topaloff reconnaît que la situation de travail des chauffeurs Uber n’est pas exactement la même, mais elle s’applique à prouver qu’un lien de subordination existe : tarif fixé, impossibilité de connaître la destination d’une course sans l’avoir acceptée, système de notation, etc. « En réalité, ce sont des travailleurs contraints. Une construction juridique habile fait que celui qui devrait être considéré comme leur employeur s’exonère de tous les avantages (sociaux) obtenus depuis plus d’un siècle par le système français », dit-elle.

Un jugement rendu le 10 novembre par la cour d’appel de Paris va dans ce sens, estimant qu’un « faisceau suffisant d’indices » démontre l’existence d’une relation de subordination entre un prestataire Uber et la plate-forme.

Pour l’avocat d’Uber, Me Cyril Gaillard, les « vrais donneurs d’ordre », ce sont « les clients ». « Uber ne joue qu’un rôle d’intermédiaire », a-t-il dit lors de la même audience. Pour lui, la décision de la Cour de cassation « n’a rien changé », car cet arrêt porte sur une application qui présente des différences « majeures » avec l’application Uber.

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