OCS City, mardi 12 mars à 20 h 40, film

Julie Delpy, Woody Allen. A l’évidence, la parenté artistique s’impose. Julie Delpy, actrice française qui a débuté dans Détective, de Jean-Luc Godard, émigrée aux Etats-Unis depuis 1990. Elle s’est trouvé là-bas une forme d’humour mais aussi une manière d’aborder avec un ton, tour à tour léger et grave, les névroses, les difficultés conjugales, les malentendus par orgueil et ces menus tracas de la vie de tous les jours dérivant vers des considérations liées à la géopolitique.

En témoigne son film qu’elle a écrit, tourné et interprété. Sorti en salles en France en juillet 2007, ce long-métrage transatlantique, à l’instar de Before Sunset, de Richard Linklater, dont Julie Delpy était coscénariste, dit du voyage l’essentiel : comment l’un se révèle sous le regard de l’autre et vice versa.

Lire le focus (en 2013) : Le démon de minuit de Julie Delpy

Voilà Jack (Adam Goldberg), architecte d’intérieur flippé, et Marion (Julie Delpy), photographe, New-Yorkaise d’adoption, de passage à Paris. Dès leur arrivée, Jack est interpellé par une concitoyenne en short et casquette, venue à Paris pour visiter le Louvre. Ou plutôt décrypter en délégation le Da Vinci Code, le pavé ésotérique de Dan Brown. « Il paraît que les Français sont grossiers », commente-t-elle, ravie d’être en terrain connu avec Jack. Celui-ci répond : « C’est un cliché, mais c’est vrai. »

La suite du film est dans cette veine cocasse. Même l’outrance et le ridicule y sonnent juste. Jack se rend au Père-Lachaise, pour contempler la tombe de Jim Morrison, juste parce qu’il est « fan de Val Kilmer ».

Des Frenchies barges, grivois

A Paris, tout part à vau-l’eau, les gens pètent les plombs, les canalisations cèdent, les parents, ex-soixante-huitards, sont indignes mais jouisseurs, les chauffeurs de taxi dragueurs et racistes. Les anciens amis de Marion sont frappadingues, drôles dans la vacherie. Il y a de la tendresse derrière les engueulades, de la pantalonnade dans le sexe, des retrouvailles qui virent aux empoignades, des accès de folie, le temps d’un restaurant ou d’une course en taxi. Bref les Frenchies sont barges, grivois, carnassiers. Dans les galeries d’art, les réunions familiales, les soirées entre amis, on parle beaucoup, on s’étripe à propos du chat qui a engraissé, on se débine. Jack va de Charybde en Scylla, d’ex en ex de Marion croisés dans les rues. La jalousie le guette. « En France, une petite enculade en passant, c’est comme faire un Scrabble. »

Lire la critique de « Lolo » (en 2015)  : Dany Boon en dindon de la farce

Marion, elle, frôle l’hystérie et oscille entre rires et larmes, à propos de tout et rien. Même le papier toilette dont les femmes useraient quatre fois plus que les hommes. « Maintenant, à chaque fois que je pisse, je me rends compte… de tout ce qu’on détruit », dit-elle en pleurant.

Voilà une comédie sentimentale à rebours des clichés lorsque tout foire puis s’éclaire, une fois les mensonges dissipés. L’hypocondriaque Jack photographie ce « jour le moins romantique de tous de l’histoire de Paris ». Et donc le plus romantique pour le spectateur, car sans prévisibilité. Le talent d’auteur de Julie Delpy consiste dans un art consommé du dialogue doublé d’une manière enlevée dans la mise en scène sans ennui ni statisme.

2 Days in Paris (2007) bande annonce
Durée : 00:33

2 Days in Paris, de Julie Delpy. Avec Julie Delpy, Adam Goldberg (Fr.-All., 2007, 100 min). www.ocs.fr