Le nouveau président de Renault, Jean-Dominique Senard, à Paris, le 11 février. / ERIC PIERMONT / AFP

Un « nouveau départ » : c’est ainsi que les quatre dirigeants de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi ont intitulé le protocole d’accord, signé mardi 12 mars à Yokohama et présenté lors d’une conférence de presse par Jean-Dominique Senard, président de Renault, Thierry Bolloré, son directeur général, Hiroto Saikawa, patron exécutif de Nissan, et Osamu Masuko, PDG de Mitsubishi Motors. « C’est un jour très spécial pour l’Alliance, a déclaré M. Senard qui a multiplié les gestes et les paroles d’amitiés envers les dirigeants japonais. Nous souhaitons recréer l’esprit de notre coopération telle qu’elle était à son tout début. »

Si le nom et le nouveau climat sonnent comme un aveu que l’Alliance était bel et bien à l’arrêt depuis le 19 novembre et l’arrestation de l’ex-grand patron de l’ensemble, Carlos Ghosn, pour malversations financières présumées, il porte aussi en lui l’espoir d’une sortie de crise pour les 450 000 salariés des trois groupes et d’un début de réconciliation franco-japonaise après des mois de suspicion et de reproches amers.

En guise de geste fondateur, un tout nouveau conseil opérationnel de l’Alliance (« Board of the Alliance ») est créé par les trois groupes aux 10,8 millions de voitures vendues en 2018. A cette occasion, ils ont rappelé leur volonté de renforcer ce partenariat original, qui fête ses vingt ans cette année. « Le Conseil de l’Alliance sera le seul organe de supervision des opérations et de la gouvernance au sein de l’Alliance, précise le protocole d’accord, que Le Monde a pu consulter. A ce titre, il sera le principal moteur du nouveau départde l’Alliance. »

L’entité chapeautant les trois groupes sera composée de quatre administrateurs : le président de Renault, M. Senard, et les directeurs généraux des trois sociétés partenaires, M. Bolloré, M. Saikawa et M. Masuko. « Le président de Renault sera le président du Conseil de l’Alliance », souligne le texte de l’accord. Si Jean-Dominique Senard a bien prééminence sur les autres administrateurs, il n’a pas de voix prépondérante puisque « les décisions opérationnelles prises par le Conseil de l’Alliance le seront sur la base du consensus », précisent les trois alliés.

Aucun changement capitalistique envisagé

Le nouvel organe de direction vient remplacer de facto les deux sociétés de droit néerlandais Renault-Nissan BV (RNBV) et Nissan-Mitusbishi BV (NMBV). Ces deux structures servaient à faire avancer les projets communs aux trois constructeurs, mais elles se sont aussi révélées être des entités opaques, présumées avoir été utilisées pour des paiements suspects ayant peu à voir avec les activités industrielles automobiles. Si NMBV est débranchée, RNBV continuera d’exister et fonctionnera en soutien du Conseil de l’Alliance qui ne devrait pas avoir son siège à Amsterdam et se réunira tous les mois à Paris ou à Tokyo.

« C’est une simplification majeure » ont déclaré MM. Senard et Saikawa. La nouvelle organisation se veut « plus fluide et plus efficace » a souligné M. Bolloré. Le Conseil de l’Alliance confiera des projets à des équipes sélectionnées par les quatre dirigeants dotés de financements dédiés. Chaque chef de projet aura une large autonomie et sera responsable devant le nouveau conseil.

Aucun changement capitalistique n’est pour l’heure envisagé. Renault garde 43,4 % de Nissan, Nissan 15 % de Renault (sans droits de vote) et 34 % de Mitsubishi. Quant à l’accord RAMA, dont la dernière version date de 2015 et qui définit l’équilibre des pouvoirs entre les deux principaux alliés (et en particulier limite les décisions de Renault chez Nissan), il continue d’être effectif.

Se dessine in fine un accord qui a cherché à satisfaire les principales revendications de chacun des partenaires : c’est bien Renault qui préside l’Alliance, mais Nissan ne se fait pas dicter sa stratégie, ni au sein de l’Alliance ni – et encore moins – au sein de l’entreprise japonaise. Le protocole d’accord dispose que « le président de Renault sera nommé, par Nissan, administrateur de Nissan » et qu’il est « un candidat naturel » pour devenir vice-président du conseil d’administration du groupe nippon.

Point crucial pour les Japonais : M. Senard, président de Renault, ne sera donc pas président de Nissan, contrairement à la position qu’a occupée Carlos Ghosn entre 2008 et 2018. La nomination du futur président de Nissan se fera après recommandation du Comité spécial pour l’amélioration de la gouvernance sur le futur président de Nissan, organisme créé par le groupe japonais dans la foulée de l’affaire Carlos Ghosn.

Ce dernier a tenté de s’inviter, en tant qu’administrateur de Nissan, à la réunion du conseil d’administration prévue mardi. Cependant, la justice japonaise a rejeté lundi cette éventualité, sur demande de Nissan. Etant assigné à résidence à Tokyo pour malversations financières présumées, il a interdiction de rencontrer les protagonistes de l’affaire, au premier rang desquels les responsables de Nissan, à l’origine de l’enquête qui a provoqué sa chute et entraîné son incarcération pendant plus de cent jours.

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