Le sénateur socialiste Patrick Kanner, en décembre 2018, à Paris. / STEPHANE MAHE / REUTERS

Les pompiers ont été victimes d’au moins 2 813 agressions en 2017, révélait en décembre 2018 un rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Ce chiffre, en hausse constante ces dernières années, a conduit le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSPF) à mener une étude sur l’évolution de cette violence. C’est sur cette base que l’ancien ministre de la ville, de la jeunesse et des sports (2014-2017) copilotera, dans les prochaines semaines, une mission d’information sénatoriale sur la question de la sécurité des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels.

Quels enseignements avez-vous tirés de l’étude sur les agressions dont sont victimes les pompiers ?

Les conclusions que nous avons tirées avec le président de la FNSPF, le colonel Grégory Allione, sont très préoccupantes. Depuis 2008, les agressions de pompiers ont augmenté de 220 %. On ne peut pas rester impassible devant ces chiffres, d’autant que dans de nombreux cas, ces violences sont commises avec arme.

Cela fait des années que les pompiers crient dans le désert ; il est temps d’entendre leurs doléances. L’objectif de cette mission est d’auditionner un maximum d’acteurs et d’en tirer un rapport. Lequel aboutira éventuellement, à terme, sur des préconisations à caractère réglementaire ou législatif. Protéger nos protecteurs est un devoir.

Corporation très appréciée des Français, les sapeurs-pompiers n’en demeurent pas moins la cible d’actes de violence en hausse constante. A quoi tient ce paradoxe ?

Il y a plusieurs explications à cela. Parfois, ces agressions sont liées à un contexte de violence urbaine. S’en prendre aux pompiers, croient les agresseurs, c’est atteindre l’Etat par ricochet. Il y a donc une démarche politique sous-jacente de la part de ces fauteurs de troubles.

Plus prosaïquement, on assiste à une forme de désinhibition de l’emploi de la violence contre tous les corps de l’Etat. C’est valable pour les enseignants, les travailleurs sociaux ou encore le personnel infirmier dans les hôpitaux. La force de notre modèle social est oubliée par une partie de la population qui vit dans la précarité. De là naît un désamour, voire de l’hostilité, pour les services publics. Témoins privilégiés de ces fractures sociales, les pompiers doivent parfois gérer des situations extrêmement sensibles.

Enfin, cette hausse s’explique aussi par la nature des missions des pompiers. On a tendance à l’oublier mais le secours à personne représente plus de 80 % de leur travail. C’est là, précisément, qu’ils sont le plus exposés. Gérer des personnes malades ou violentes n’est pas chose aisée dans des lieux fermés.

Ces violences sont-elles spécifiques à certains territoires ou sont-elles constatées partout en France ?

Prendre la mesure de ce phénomène, c’est comprendre que ces agressions ne sont pas cantonnées aux quartiers sensibles. Si certaines zones sont plus particulièrement ciblées, aucune n’est totalement épargnée. Comme je l’ai esquissé en amont, cette explosion de la violence résulte moins d’une fracture territoriale que d’une superposition de facteurs médico-psycho-sociaux. Notre mission sénatoriale se donne pour ambition de colmater ces failles. Nous devons être à la hauteur de leur altruisme.

Or, aujourd’hui, on constate un fort sentiment de lassitude dans la profession. Si nous ne faisons rien, ces agissements risquent de dissuader des vocations. La commission des lois devrait se saisir de la mission dans les prochaines semaines. Gageons qu’elle prospère dans l’hémicycle.

Victor-Isaac Anne

En chiffres

  • En 2017, le nombre d’agressions en France a atteint 2 813 (soit en moyenne six pompiers agressés pour 10 000 interventions), contre 2 280 en 2016 (cinq pour 10 000).
  • Le nombre de sapeurs-pompiers agressés pour 10 000 interventions en 2017 a été le plus élevé en Nouvelle-Aquitaine (14), en Bourgogne-Franche-Comté (13), dans le Grand Est (9) et les Hauts-de-France (8).
  • Le nombre d’agressions déclarées a notamment explosé à Paris et à Marseille, où les pompiers sont militaires : + 74 % pour ceux de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et + 68 % pour ceux du bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM).