Des manifestants inscrivent des messages sur des Post-it à Alger, le 12 mars 2019. / Ramzi Boudina / REUTERS

Les pancartes sont brandies à bout de bras : un « 4 + » barré dans un cercle rouge. Plusieurs milliers d’étudiants et lycéens ont manifesté dans le centre d’Alger, mardi 12 mars, au lendemain de l’annonce par Abdelaziz Bouteflika de son renoncement à briguer un cinquième mandat présidentiel.

La manifestation était initialement destinée à protester contre la décision du ministère de l’enseignement supérieur d’avancer et d’allonger les vacances universitaires. Elle s’est transformée en critique des mesures contenues dans la lettre du chef de l’Etat à la nation, qui, outre le retrait de sa candidature, annonce le report sine die du scrutin prévu le 18 avril.

« On n’a pas demandé le départ de Bouteflika, on a demandé le départ du système ! », clame Sofiane, 20 ans, qui porte une feuille blanche où est imprimé : « On voulait une élection sans Bouteflika, on se retrouve avec Bouteflika sans élection ». Les drapeaux sont accrochés autour des épaules, à la manière d’une cape, enroulés autour de la taille, portés en bandana autour du crâne ou façon hayek, petit voile traditionnel qui masque le nez et la bouche.

La foule, jeune et joyeuse, défile entre la place Audin et la Grande Poste en chantant : « Pas une minute de plus, Bouteflika ! » et « Vous avez mangé le pays, voleurs ! ». « L’annonce du président Bouteflika, c’est juste pour nous calmer et pour qu’ils gagnent du temps. Ils n’ont pas le droit de supprimer l’élection », s’emporte Aziz, lycéen, qui affirme qu’il continuera de manifester. Au-dessus d’eux, un hélicoptère de la police survole le centre-ville. Les forces anti-émeutes circonscrivent le cortège, sans le réprimer.

Post-it de couleur

Face aux marches de la Grande Poste, alors que les étudiants scandent « Dégage ! », Malika, employée administrative, se joint aux protestations : « Il faut qu’ils partent tous, ils sont tous corrompus », dit-elle.

En début d’après-midi, les manifestants écrivent des messages sur des post-it de couleur qu’ils collent sur la place Audin et sur les murs tout autour. En arabe, en deridja (dialecte algérien), en français ou en anglais, il est inscrit : « Partez, ça veut dire partez ! », « Le peuple est l’avenir du pays », « L’Etat tombe mais le drapeau s’élève », « Pacifique mais pas romantique » ou encore « Pour une meilleure Algérie ».

« Nous avons une jeunesse brillante, sourit un homme attablé à la terrasse d’un café. Je suis très fier. Peut-être que nous n’aurons pas de grand changement dans les semaines à venir, mais nous aurons un bel avenir. » Djamel, la trentaine, observe la foule dans les jardins de la place de la Grande Poste : « Nous les avions sous-estimés ! » Un jeune homme porte au-dessus de sa tête une pancarte où il est écrit : « Vous allez vous confronter à une génération qui vous connaît bien et que vous ne connaissez pas du tout ».

Sur les réseaux sociaux, le mot-clé « Non au cinquième mandat » est devenu « Non au prolongement du quatrième mandat ». Dans un communiqué, les étudiants de l’université d’Alger 2 annoncent la création d’un « Comité autonome provisoire des étudiants » et appellent à « rejoindre les campus », à « participer aux assemblées générales » et à se joindre aux manifestations, vendredi 15 et mardi 19 mars.

Notre sélection d’articles pour comprendre la contestation en Algérie

Depuis le 22 février, le mouvement de protestation le plus important des deux dernières décennies en Algérie a poussé des dizaines de milliers de personnes dans les rues pour exprimer leur opposition à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, avant l’élection présidentielle prévue le 18 avril.

Retrouvez ci-dessous les contenus de référence publiés par Le Monde pour comprendre la crise qui traverse le pays :

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