Numéro un des ventes pendant douze semaines consécutives, l’album posthume de Johnny Hallyday, Mon pays c’est l’amour, s’est écoulé en 2018 à plus de 2,2 millions d’exemplaires. Il a également culminé en tête des ventes des vinyles avec 80 000 exemplaires. Succès hors norme dans l’histoire de la discographie française, ce triomphe du rockeur préféré des Français, mort le 5 décembre 2017, a donné des couleurs au bilan 2018 du marché de la musique enregistrée, publié jeudi 14 mars par le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP).

Pour la troisième année consécutive, le secteur affiche une progression, de 1,8 % – certes bien plus modeste qu’en 2016 et 2017 –, ce qui porte le marché de la musique enregistrée en France à 735 millions d’euros. Pas de quoi pavaner puisque ce résultat ne représente que… 40 % du chiffre d’affaires d’avant la crise, en 2002.

Les nouveaux modèles économiques s’installent au rythme des usages : le streaming progresse fortement (+ 26 %), compensant la baisse des ventes de CD, DVD, téléchargements et sonneries pour mobile. Les exploitations numériques sont d’ailleurs devenues en 2018 la première source de revenus du marché. La montée en puissance des abonnements payants à Spotify, Deezer, Apple Music, Amazon Music, Google Play Music, Tidal, YouTube Music ou encore Qobuz, qui atteignent désormais 5,5 millions dans l’Hexagone, laisse une marge de progression encore importante puisque les Français se convertissent plus lentement à ces offres que les Américains, les Britanniques ou les Allemands, affirme l’étude du SNEP.

L’essor du streaming

Particularité franco-française, le réseau de distribution de produits physiques – avec ses 4 000 points de vente – résiste, et les revenus générés par tous ces supports physiques – essentiellement les CD – représentent encore 43 % des ventes de musique. Effet de nostalgie ? Les vinyles se portent à merveille, et leurs ventes ont quintuplé en cinq ans pour représenter désormais près d’un cinquième du marché physique. Le mouvement des « gilets jaunes » a cependant sévèrement affecté les résultats de ventes de CD, « d’autant plus que novembre et décembre représentent à eux seuls un tiers des ventes annuelles », souligne le SNEP.

Les vinyles se portent à merveille, et leurs ventes ont quintuplé en cinq ans pour représenter désormais près d’un cinquième du marché physique

Autre résilience typiquement hexagonale, les productions locales représentent 80 % des ventes du top 20. Les musiques urbaines, le rap, le hip-hop et le RnB reviennent en force avec l’essor du streaming. D’ailleurs, cent neuf singles de musique urbaine se classent dans le top 200 et dix-neuf des vingt meilleures ventes de 2018 ont été produites en France. Hormis Johnny, on compte dans ce palmarès Maître Gims, Dadju, Orelsan, Damso, Kendji Girac, Les enfoirés, Soprano ou encore Eddy de Pretto et Mylène Farmer.

L’étude souligne enfin « le rayonnement international des artistes produits en France ». Trente-six titres hexagonaux ont été streamés plus de 15 millions de fois hors de nos frontières avec un record pour Tez Cadey, qui a cumulé 3 milliards de streams notamment en Asie. Les succès à l’international concernent l’électro, mais aussi la pop française – Jain, Zaz, Louane, Christine & the Queens…-, le jazz ainsi que les musiques urbaines, comme Aya Nakamura, Niska, MHD, Nekfeu, Damso ou Booba.