Jean-Luc Mélenchon à Marseille le 18 janvier. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

A gauche, c’est un peu le « match dans le match » des élections européennes. En difficulté dans les sondages depuis plusieurs semaines, La France insoumise (LFI) a décidé de cibler son adversaire direct, Europe Ecologie Les Verts (EELV). Il faut dire que la liste emmenée par le député européen sortant Yannick Jadot devance celle des « insoumis » dans plusieurs enquêtes d’opinion. La dernière en date : celle de l’IFOP qui crédite la liste écolo de 8,5 % des voix contre 7,5 % pour celle emmenée par Manon Aubry.

Hasard du calendrier ? Le meeting organisé jeudi 14 mars, au Centre des congrès de Caen était consacré à « l’écologie populaire », le leitmotiv « insoumis ». Sur la scène, un écran affichait le nouveau slogan : « Fin du monde, fin du mois, mêmes responsables, même combat ! » Pour bien marquer l’importance de l’enjeu écolo dans la campagne des élections européennes, Jean-Luc Mélenchon a même fait le déplacement en Normandie pour le premier meeting commun avec la tête de liste.

Manon Aubry refuse pourtant de désigner M. Jadot comme son « adversaire ». « Notre premier adversaire, c’est l’abstention, les politiques qui ont amené à la situation de dérèglement climatique que l’on connaît aujourd’hui. Pas un mouvement politique », a-t-elle expliqué lors d’un point presse avant le meeting. Très vite, elle précise néanmoins : « Mais il n’y a pas de compromis à faire, notamment avec le Parti populaire européen, pour quelques postes quand la survie de l’humanité est en jeu. (…) Pour nous l’écologie n’est pas compatible avec l’économie de marché. » Muriel Kosman, la locale de l’étape et 73e de liste, abonde : « Nous sommes radicalement différents d’EELV sur le libéralisme. » Fermez le ban.

Autant de tacles en direction de M. Jadot qui a déclaré dans un entretien au Point que « bien entendu, les écologistes sont pour le commerce, la libre entreprise et l’innovation ». Plus, loin, à propos de la présidence de la commission, M. Jadot avançait le nom de Michel Barnier, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, comme candidat à la présidence de la Commission : « Il a démontré sa compétence. Il est droit. »

M. Mélenchon a également visé M. Jadot : « Yannick Jadot a voté tous les textes [du Parlement européen] sur l’OTAN, tous ! », a ainsi tonné le leader des « insoumis ». Et face à la salle qui hue au nom du candidat écologiste, il réagit immédiatement : « On ne va huer personne ! On va faire ça sérieusement. » Puis quelques minutes plus tard, plaisantant : « Si vous aimez les porte-avions de l’OTAN, votez Verts ! »

« Plus un produit viendra de loin, plus il sera taxé »

Pour l’instant, Mme Aubry, veut se concentrer sur « le fond » : la mise en place d’une « règle verte européenne », l’évasion fiscale, les différentes marches pour le climat ou encore l’action des associations de l’« affaire du siècle » qui déposent un recours administratif contre l’Etat. « L’écologie ne peut se faire qu’avec les classes populaires, l’écologie ne peut être que populaire. La crise écologique est le plus grand défi de notre temps. (…) Nous pouvons vivre avec 3 % de déficit, pas avec 3 degrés de plus de réchauffement climatique, a lancé la jeune politique âgée de 29 ans, devant le millier de personnes réunies dans les salles du centre des congrès et dehors, sous le crachin. L’écologie n’est pas une mode, c’est un monde à reconstruire, à recréer. Nous sommes cohérents et nous assumons de rompre avec un certain nombre de dogmes européens comme le libre-échange, l’austérité. Rien ne nous arrêtera dans notre ambition écosocialiste. »

A l’aise sur la scène, elle continue : « La crise écologique ne frappe pas tout le monde de la même mesure, que l’on soit puissant ou faible. La crise climatique se double de la crise des inégalités. Ce sont les deux faces d’une même pièce, les deux sont intimement liés. Les 10 % des plus riches sont responsables de 50 % des émissions de gaz à effets de serre et ce sont les petites gens que l’on va embêter ». Et de proposer une « taxe carbone kilométrique » pour un « protectionnisme solidaire » : « Plus un produit viendra de loin, plus il sera taxé », a-t-elle expliqué.

De son côté, Jean-Luc Mélenchon a aussi développé un discours plus général, notamment contre Emmanuel Macron et le mouvement des « gilets jaunes » : « Ce qui va se jouer [aux élections européennes], c’est un rapport de force avec le pouvoir dans notre pays. », prédit-il. Très en verve, apparemment de bonne humeur, le président du groupe LFI à l’Assemblée nationale, a poursuivi : « Qui a inventé que l’Etat recule pour que la libre entreprise prenne sa place ? C’est l’Union européenne. (…) Vous êtes les gogos, on se fiche de vous ! Ils vous font les poches ! (…) Ce n’est pas être antieuropéen que de vouloir sortir des traités européens. Il faut en sortir pour pouvoir coopérer avec d’autres peuples. »