A Gaza, le 14 mars. / MAHMUD HAMS / AFP

Gaza entre dans la campagne électorale israélienne. Pour la première fois depuis la guerre de l’été 2014, les habitants de Tel-Aviv ont dû courir vers les abris, jeudi 14 mars. Peu après 21 heures, les sirènes d’alerte ont retenti après les tirs de deux roquettes de longue portée vers la métropole. Elles n’ont pas été interceptées par le système de défense Dôme de fer, pour des raisons inconnues. Aucune victime ni dégât n’ont été constatés.

La cible choisie, faite pour marquer l’opinion publique, a provoqué la stupeur côté israélien. Benyamin Nétanyahou, qui cumule les fonctions de premier ministre et de ministre de la défense, a organisé une réunion de crise avec l’état-major. Dans la nuit, les forces aériennes ont procédé à une centaine de frappes contre des cibles militaires à Gaza, tandis que des alertes étaient déclenchées dans les communautés frontalières, en raison de plusieurs tirs de roquettes.

Parmi les cibles visées figurent, selon l’état-major, le quartier général du Hamas pour les opérations en Cisjordanie et le principal atelier souterrain de fabrication de roquettes classiques. « On dirait une réponse mesurée, a réagi sur Twitter l’ancien porte-parole de l’armée, Peter Lerner. Tandis que l’armée arrondit le chiffre à 100 pour la présenter comme étendue au public israélien, dans les faits, Israël envoie comme message au Hamas qu’il n’est pas intéressé par une escalade. »

Aucune des parties ne souhaite une escalade d’ampleur. Vendredi matin, une source militaire indiquait que les deux roquettes tirées de Gaza relevaient sans doute d’une « erreur ». A Gaza, les factions annonçaient l’annulation des rassemblements frontaliers, prévus comme chaque vendredi. Un geste inhabituel.

La confusion demeure en effet sur l’origine des deux tirs contre la métropole de Tel-Aviv, à moins d’un mois du scrutin législatif du 9 avril. En cette période sensible, les factions palestiniennes estiment que M. Nétanyahou refusera de s’engager dans une aventure militaire. Le Hamas espère toujours des mesures de soulagement pour le territoire palestinien à l’agonie. Il n’aurait pas d’intérêt non plus à une escalade. La deuxième faction armée, le Jihad islamique palestinien, a aussi démenti toute implication. Quant aux militants armés salafistes, régulièrement accusés d’être responsables de tirs de roquettes isolés, on ne sait s’ils disposent de projectiles d’une telle portée.

A Gaza, après la riposte d’Israël, le 15 mars. / Adel Hana / AP

La dernière hypothèse est un groupuscule soutenu par l’Iran. Fin février, la police du Hamas avait ainsi procédé à l’arrestation du chef local du groupe chiite Harakat Al-Sabireen, proche du Hezbollah libanais et de Téhéran. Le 10 mars, M. Nétanyahou avait évoqué les « provocations » récentes en provenance de Gaza. « Cela a été le fait de dissidents, mais ça n’absout pas le Hamas », a-t-il dit.

Exaspération populaire

Depuis le début des manifestations de la « marche du retour », le 30 mars 2018, 193 Palestiniens ont été tués et plus de 6 000 blessés par balles, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations unies (ONU). La réconciliation entre factions est au point mort, malgré la bonne volonté du Caire. Une délégation du renseignement égyptien a dû quitter en catastrophe la bande de Gaza, jeudi soir.

Dans le territoire sous blocus, l’exaspération populaire ne peut être calmée par les injections d’argent par le Qatar. L’émirat a fait parvenir 45 millions de dollars (39,8 millions d’euros) depuis novembre 2018 sous la forme d’aide aux plus démunis et aux employés. Il a consenti un effort supplémentaire de 20 millions de dollars pour financer un programme de création d’emplois (10 000 postes temporaires) de l’ONU. Mais les besoins sont d’une tout autre ampleur. Or les projets d’investissement dans les infrastructures (énergie, eau, etc.), évoqués de façon indirecte entre le Hamas et Israël, sont au point mort en période électorale, souligne une source diplomatique.

Le Hamas se retrouve dos au mur. Dans la journée de jeudi, ses forces de l’ordre ont réprimé des centaines de manifestants qui protestaient contre le coût de la vie à Deir el-Balah, dans le camp de Boureij et celui de Jabaliya. Les vidéos de ces protestations ont été abondamment relayées sur les réseaux sociaux israéliens, quitte à grossir leur importance. Le Hamas conserve un maillage répressif tel qu’un mouvement d’ampleur contre lui semble douteux dans l’immédiat.