L’équipe de France de basket, en 2017, lors d’un match amical contre la Croatie, à Orléans. / JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

L’équipe de France de basket n’a pas manqué son rendez-vous avec la Chine. Les Bleus, troisièmes de la dernière édition, se sont qualifiés à la fin du mois de février pour la Coupe du monde 2019, qui se déroulera dans l’empire du Milieu (du 31 août au 15 septembre). Têtes de série, les hommes de Vincent Collet connaîtront, samedi 16 mars, les noms de leurs adversaires lors du tirage au sort des groupes du Mondial chinois (11 h 45 en France).

A l’occasion de cette compétition, qui passe à 32 équipes, la Fédération internationale de basket (FIBA) a modifié le format des qualifications. Répartis par zones géographiques, 80 pays ont concouru pour l’une des 31 places disponibles – la dernière étant réservée à l’hôte chinois. Un fonctionnement par « fenêtres internationales » réparties au long de la saison, calqué sur ce qui se fait au football.

Pour Patrick Baumann, instigateur de cette révolution du calendrier, l’objectif était clair. « C’est une opportunité de concentrer l’attention des médias, des spectateurs et de toute la communauté basket au même moment, partout dans le monde, soulignait l’ancien secrétaire général de la FIBA début octobre, quelques semaines avant sa disparition subite à l’âge de 51 ans. Ces qualifications sont un accélérateur de croissance. »

Les fans voient désormais jouer leurs équipes à domicile

Des rendez-vous réguliers et identifiés, des équipes évoluant enfin à domicile – en raison du système précédent, certaines immenses stars du basket n’ont jamais disputé de rencontres officielles devant leur public –, l’objectif est louable. Et semble porter ses fruits.

« Lors de la dernière fenêtre de qualification, près de 30 000 billets se sont écoulés en moins de deux jours pour les deux derniers matchs de Porto Rico, dévoile le successeur de M. Baumann, Andreas Zagklis, au Monde. Bien sûr, il s’agissait de matchs cruciaux, mais la même chose est arrivée dans bien d’autres pays. Comme au Liban, au Japon, en Corée ou en Jordanie. »

« Le message est clair, insiste le nouveau secrétaire général de la FIBA, les fans meurent d’envie de voir leurs équipes nationales évoluer à domicile. » Mais tous ne sortent pas gagnants de cette mondialisation. Nouvelle coqueluche de la NBA, et favori pour le trophée de Rookie of the Year (meilleur débutant), Luka Doncic ne poussera pas sa conquête du monde jusqu’en Chine.

Pourtant, sacrée championne d’Europe en 2017, son équipe de Slovénie n’est pas parvenue à se qualifier pour la Coupe du monde. Eliminé de la course au Mondial début décembre 2018, le pays a été rejoint par son voisin croate fin février. Une autre grande nation du basket passée par la fenêtre des éliminatoires.

Pas de Slovénie, championne d’Europe, en Chine

« Etre champions d’Europe et ne pas participer à la Coupe du monde, c’est dur », a pesté Luka Doncic dans le New York Times en décembre, confessant « ne pas savoir pourquoi ils ont changé la formule ». Car pour les Slovènes, comme pour tous les « petits pays » (en termes de population), le nouveau système de qualification s’est révélé une équation insoluble. Et injuste.

En raison de leur qualité, leurs meilleurs joueurs ont exporté leurs talents vers les meilleures ligues du monde, la NBA outre-Atlantique ou l’Euroligue sur le Vieux Continent. Or, ces deux organisations – privées – ont refusé de se plier aux fenêtres internationales et de libérer leurs joueurs en cours de saison.

L’Euroligue a même organisé des rencontres pendant les fenêtres, parfois entre les plus grands clubs de deux nations se rencontrant. « C’est de la provocation », énonce Jean-Pierre Siutat, le président de la Fédération française de basket, qui s’était élevé contre le nouveau système.

A la différence du football, où la FIFA s’est érigée en patronne absolue, organisant les compétitions et ne laissant pas émerger de ligues privées – en dépit des velléités de certains des plus grands clubs européens –, la FIBA n’est pas seule maîtresse à bord du navire basket. Pas de « trêve internationale », comme s’apprêtent à la vivre tous les acteurs du foot la semaine qui vient. Et le basket pâtit du bras de fer de la FIBA avec Euroleague Basketball, la structure privée qui organise l’Euroligue.

« C’est un problème de fond. Est-ce que les équipes nationales sont au-dessus du business ?, interroge M. Siutat, estimant qu’il revient à la Commission européenne de trancher. Tant qu’elle n’a pas réglé ce dossier, on restera dans cette situation. » A ce jour, les deux organismes concurrents ont chacun déposé un recours devant la Commission contre leur adversaire.

Le « Team France », fer de lance de « cette nouvelle ère »

S’il reconnaît que la question du calendrier doit être réglée et ouvre la porte à des négociations avec l’Euroligue, Andreas Zagklis assure que ce nouveau système se révèle bénéfique pour tous les pays. « En raison de ces doublons, chaque fédération a puisé dans un bassin de joueurs plus profond et permis à nombre d’entre eux d’exploser sur la scène internationale », glisse-t-il, citant le projet du « Team France » comme « parfaite approche de cette nouvelle ère du basket ».

Confrontés à l’indisponibilité de leur fort contingent de joueurs NBA et Euroligue, les Bleus ont mis en place un groupe élargi. « On voulait mobiliser un grand nombre de joueurs autour d’un objectif. Leur mission, qualifier la France sans état d’âme », insiste Patrick Beesley, le manager général de l’équipe de France. Au total, 45 joueurs ont été mobilisés au cours des qualifications, nombre d’entre eux sachant pertinemment qu’ils ne participeraient pas au Mondial.

Le nouveau secrétaire de la FIBA s’inscrit dans la droite ligne de son prédécesseur, qui voyait dans ce système « une façon de détecter de nouveaux talents, d’accélérer la production de nouveaux joueurs pour les fédérations dont les stars sont en NBA ou qui manquent de joueurs. »

Ce que confirme Jeff Van Gundy, coach américain intérimaire pendant les qualifications. Car à l’instar de ses joueurs, le sélectionneur Gregg Popovich, entraîneur des San Antonio Spurs « au civil », n’a pas pu se rendre disponible lors des qualifications. « Ces fenêtres internationales doivent servir d’avertissement pour les Américains, prévient le technicien, car toutes ces équipes s’améliorent et on a été chanceux de se qualifier. » Privée de ses meilleurs joueurs, USA Basketball a composé son équipe en puisant dans les ligues mineures.

Estimant que le nouveau système a « fait du bien à des équipes qui ne sont pas toujours ensemble, comme Cuba, Panama ou le Venezuela, équipes qui ont tellement progressé », Van Gundy en conclut que « ces fenêtres remplissent leur objectif : faire grandir le basket au niveau mondial ». Quitte à ce que, pour certaines nations, le rebond soit difficile à encaisser.

Lire aussi l’entretien avec Andreas Zagklis : « Nous ne voulons pas perturber le calendrier des ligues et des clubs »