Les Français après leur victoire en Italie, à Rome, samedi 16 mars. / Alessandra Tarantino / AP

Il a un œil endolori et le regard grave, Félix Lambey. Le XV de France a gagné, pourtant. Mais rien à fêter pour le jeune deuxième-ligne ni pour ses coéquipiers. « Croyez bien qu’on ne se fait pas de films, on ne se prend pas pour d’autres. » A Rome, il faut voir leur sortie vers le bus au sous-sol du Stade olympique : pas d’effusion d’âme, ce samedi 16 mars après-midi, après leur succès sans convaincre en Italie (25-14). Leur deuxième seulement – avec celui contre l’Ecosse – en cinq matchs d’un bien triste Tournoi des six nations.

La France termine la compétition à la 4e place. Devant ceux qu’elle a battus, les Ecossais et les Italiens. Mais derrière tous ceux qui l’ont battue, voire corrigée : Gallois (auteurs d’un Grand Chelem), Anglais et Irlandais. Verdict de Lambey : « On est à notre place, on le sait. » Avec les équipes de seconde zone, pour le dire plus crûment. « On n’a pas été en mesure de contester le trio de tête, effectivement », reconnaît Jacques Brunel, en conférence de presse d’après-match.

Il y a parfois quelque chose de terrible à entendre parler le sélectionneur, comme une impression qu’il entraîne toujours l’Italie (2011-2016), déjà abonnée aux défaites depuis son admission au Tournoi des six nations, et non la France.

Un XV vulnérable

Ainsi donc, à en croire son entraîneur, le XV de France devrait déjà se satisfaire d’avoir failli gagner contre les Gallois (24-19) ; s’estimer heureux d’avoir réagi un minimum en seconde période contre les Anglais, ces mêmes Anglais qui lui ont pourtant infligé une leçon de rugby (44-8) ; ou pis encore, se féliciter d’avoir passé son temps à défendre contre les Irlandais (26-14), lesquels lui ont subtilisé le ballon tout le match durant.

Il y a parfois aussi quelque chose de blessant, sur le terrain. Cette sensation, à chaque match, que l’adversaire du jour a compris : oui, voilà ce XV de France vulnérable. Face à des Français sans confiance ni repères, autant tenter des « pénaltouches » pour remettre le ballon en jeu et espérer l’essai, plutôt que d’assurer les points d’une pénalité au pied.

L’Irlande a agi de la sorte, il y a une semaine ; avant de faire sortir tous ses cadres à l’heure de jeu, pour mieux qu’ils se reposent en vue du match contre les Gallois. L’Italie aussi, ce samedi, malgré sa série de vingt-deux défaites consécutives. « J’ai trouvé compliqué d’expliquer aux joueurs comment on a perdu ce match avec autant de possessions du ballon », soupire encore Sergio Parisse. Le capitaine italien disputait probablement son dernier Tournoi des six nations cette année : 69 matchs joués dans ce contexte, un record.

Les Fijdi en embuscade

Autre record, moins avantageux : déjà neuf ans, maintenant, que la France a remporté son dernier Tournoi des six nations. Une éternité qui incite à refonder la structure du rugby français plutôt qu’à critiquer tel ou tel individu. « La plus longue période » de disette « pour le XV de France après la seconde guerre mondiale », rappelle l’historien britannique Tony Collins. L’Ecosse et l’Irlande en ont déjà connu de plus longues encore, mais avec des ressources et un vivier de joueurs moindres. »

Cette déchéance s’observe aussi au classement de World Rugby. Tenu après chaque match, le registre de la Fédération internationale place les Bleus seulement à la 8e place. A peine devant les Fidjiens, dont la première victoire en test-match contre la France a jeté un froid, ce soir de novembre 2018.

« Le Tournoi est une déception », est bien contraint de déclarer Brunel, qui remporte là seulement sa cinquième victoire en seize matchs depuis ses débuts en catastrophe à la place de Guy Novès. Il y a une semaine, le sélectionneur avait pourtant dérouté tout le monde et affirmé n’éprouver « aucune inquiétude » à l’approche de la Coupe du monde au Japon, dans six mois.

Avant cela, seulement trois matchs de préparation estivale à venir contre l’Ecosse (par deux fois) et l’Italie, pour essayer de sauver ce qui peut encore l’être : stabiliser un minimum l’équipe, la rendre moins « inconstante », et donner encore leur chance « aux jeunes talents ». Brunel « pense notamment » au pilier Demba Bamba – malgré son match décevant en Irlande – et à l’ouvreur Romain Ntamack. « J’ai progressé, assure ce dernier, 19 ans à peine. J’ai appris aux côtés des meilleurs. » Sous-entendu : Gallois, Anglais et Irlandais.

Le Grand Chelem pour le pays de Galles

Les Gallois ont battu l’Irlande 25 à 6 et s’offrent le Grand Chelem dans l’édition 2019 du Tournoi. Il s’agit du troisième remporté par le sélectionneur Warren Gatland. Grâce à ce sacre, le pays de Galles remonte à la deuxième place du classement World Rugby, juste derrière la Nouvelle-Zélande.