Un homme tient entre ses mains la coquille vide d’une moule perlière, à Rehau (Allemagne), en avril 2016. / DANIEL KARMANN / DPA PICTURE-ALLIANCE/AFP

Zoologie. La moule perlière de la Vologne (Vosges) vit-elle ses derniers jours ? Contrairement à ses congénères implantées en Auvergne ou en Bretagne, celle qui a pourtant fait les beaux jours des Ducs de Lorraine n’a pas bénéficié du plan national d’action mis en place en 2012 pour sauvegarder une espèce considérée comme menacée. Les choses pourraient changer avec la découverte, durant l’été 2018, de quelques individus, qui relance l’intérêt pour la conservation de ces mollusques.

La mulette, comme on l’appelle encore, se nourrit des particules en suspension dans l’eau. Elle ne peut vivre que dans un environnement sain ; sa présence est donc une bonne indication de la qualité d’une rivière. Elle est qualifiée d’ingénieure, parce qu’elle participe au maintien du lit d’un cours d’eau. C’est surtout une espèce « parapluie » : sa préservation bénéficie à toutes les espèces qui fréquentent son habitat. Une symbiose qui rend justement sa protection très compliquée.

Un parcours du combattant pour les larves

C’est que la reproduction de cette petite moule relève d’un vrai parcours du combattant. Une fois par an, les mâles rejettent leur sperme dans l’eau, qui doit ensuite être absorbé par les femelles. Quelques semaines plus tard, les larves sont libérées et n’ont que quelques heures pour trouver un poisson dont elles vont parasiter les branchies. Pas n’importe quel poisson : uniquement le saumon ou la truite fario. Au bout de quelques mois, les larves se détachent de leur hôte ; ­elles doivent alors s’enfoncer dans le lit de la rivière pour poursuivre leur croissance. Ce n’est qu’après deux à cinq ans ainsi cachées qu’elles remontent à la surface. Au final, sur un million de larves, moins d’une dizaine ­arrivera au bout du processus.

Dans les Vosges, l’espèce était jusqu’ici considérée comme éteinte. Mais les résultats du comptage effectué dans la Vologne en août 2018 par la Société d’histoire naturelle de Colmar ont amené son président, Jean-Michel Bichain, spécialiste de l’étude des mollusques, à demander la réalisation d’une étude de faisabilité pour sa réintroduction. Elle doit permettre de déterminer les sites favorables et de sonder le tissu ­social du territoire. Protéger ce mollusque implique en effet de rétablir le bon état des cours d’eau, ce qui implique des efforts de la part de la population environnante.

L’aide de l’ADN environnemental

Première étape : trouver d’autres individus. Une recherche visuelle s’apparenterait à chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais une nouvelle technique existe, celle de l’ADN environnemental. Il s’agit de prélever de l’eau à intervalle régulier pour rechercher la trace ADN des espèces avec qui elle a été en contact. « La technique fonctionne bien quand une véritable population est présente. Mais on ne connaît pas son efficacité en cas de densité plus faible », prévient Laurence Claudel, chargée de mission espèces protégées à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Grand Est. Pour confirmer celle-ci, un premier test doit être effectué en aval des individus existants. Reste à trouver les financements, non seulement pour cette première opération d’un coût modeste (6 000 euros), mais surtout pour la mise en œuvre de la technique à l’échelle du bassin.

Même si la recherche devait se révéler positive, « on n’est pas du tout sûr de pouvoir ­encore agir », estime cependant Laurence Claudel. « S’il reste des mulettes, ce sera dans des quantités très faibles. On ne sait pas si cela permettra de sauvegarder le patrimoine génétique de l’espèce, et encore moins de la sauvegarder dans son milieu naturel. Mais ce qui est sûr, c’est que si on ne fait rien, la mulette de la Vologne est condamnée à terme. »