A Managua, samedi 16 mars, lors de l’arrestation d’opposants. / MAYNOR VALENZUELA / AFP

Cent soixante-quatre opposants du président nicaraguayen, Daniel Ortega, ont été relâchés, samedi 16 mars, après leur arrestation quelques heures plus tôt lors d’une mobilisation contre le régime de l’ancien guérillero sandiniste. « Le peuple uni ne sera jamais vaincu », ont scandé les personnes libérées, après une journée de violences policières. Cette nouvelle répression met à mal les négociations engagées entre le gouvernement et l’opposition pour tenter de sortir d’une crise politique qui dure depuis onze mois.

Managua était, samedi matin, en état de siège. Des milliers de policiers antiémeute, déployés dans les rues de la capitale, ont empêché par la force une manifestation interdite par les autorités. Alors que des groupes d’opposants s’apprêtaient à défiler pour exiger la libération de « tous les prisonniers politiques », ils ont été pourchassés par les policiers qui ont fait usage de leurs armes et de gaz lacrymogène.

Aucun décès n’a été signalé. Mais les scènes, dont les images ont été diffusées sur les réseaux sociaux, montrent des manifestants de tous âges frappés par les forces antiémeute avant de les embarquer. Des journalistes qui couvraient la mobilisation ont aussi été agressés. Un cameraman de l’Agence France-Presse s’est vu confisquer son matériel par les autorités.

Parmi les 164 détenus libérés figuraient de grands noms de l’opposition. En tête, l’avocate Azahalea Solis et le leader étudiant Max Jerez, membres de la délégation de l’Alliance civique pour la justice et la démocratie (ACJD), qui regroupe les représentants des étudiants, du patronat, des organisations de la société civile et des syndicats, participant depuis le 27 février aux négociations avec le gouvernement.

« Impossible de revenir à la table des négociations »

Ce large coup de filet menace la réouverture du dialogue visant à sortir de la crise politique qui a débuté le 18 avril 2018 par des manifestations contre une réforme de la sécurité sociale. Le mouvement s’est vite transformé en révolte nationale contre le régime corrompu et népotiste de M. Ortega, 73 ans, revenu au pouvoir en 2007, après avoir gouverné de 1979 à 1990. Outre la libération des prisonniers, l’opposition réclame le rétablissement des libertés publiques, une réforme de la loi électorale, des élections anticipées et la fin d’une répression qui a fait 325 morts et plus de 700 prisonniers, selon les organisations de défense des droits de l’homme.

Le bloc étudiant de l’ACJD s’était retiré temporairement des négociations, considérant « insuffisantes » les libérations successives de 150 opposants jusqu’alors assignés à résidence, depuis la reprise du dialogue fin février, après sa suspension en 2018. L’appel à la mobilisation de samedi, la première depuis l’interdiction de manifester instaurée en septembre 2018, avait valeur de test pour les opposants. « Il est désormais impossible de revenir à la table des négociations alors qu’Ortega démontre qu’il veut résoudre la crise par la violence », a déploré, samedi, Carlos Tünnermann, négociateur en chef de l’ACJD.

Cette nouvelle répression a provoqué une vague d’indignation internationale. L’ambassade des Etats-Unis a dénoncé samedi sur son compte Twitter un « usage excessif de la force ». Même levée de boucliers de la part du gouvernement du Costa Rica voisin, où plus de 40 000 Nicaraguayens ont trouvé refuge. Et José Miguel Vivanco, directeur de la division Amériques de l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, d’appeler « la communauté internationale à accentuer les sanctions » contre le régime.

Le Parlement européen a approuvé, jeudi 14 mars, une résolution prévoyant notamment le gel des comptes bancaires en Europe de plusieurs hauts fonctionnaires nicaraguayens. Une mesure déjà prise, en décembre 2018, par Washington, qui a aussi limité l’accès du Nicaragua aux prêts internationaux. L’étau se resserre autour du régime de M. Ortega, alors que l’économie du pays vacille. Le PIB a reculé de 4 % en 2018 et pourrait chuter de 11 % cette année. La date butoir du 28 mars fixée par les négociateurs du gouvernement et de l’opposition pour trouver une solution à la crise s’est éloignée à grands pas.