Au tribunal de Marseille, le 18 mars 2019. Le report du procès Bourbon a été décidé pour vice de procédure par la présidente du tribunal. / BORIS HORVAT/AFP

A peine ouvert, le procès du groupe Bourbon, spécialisé dans les services maritimes à l’industrie pétrolière, et de huit de ses « cols blancs » poursuivis pour « corruption » d’agents du fisc en Afrique devant le tribunal correctionnel de Marseille a été reporté pour vice de procédure.

Constatant que le délai d’un mois minimum dont disposait le juge d’instruction pour renvoyer les huit prévenus devant la justice n’avait pas été respecté, la présidente du tribunal a ordonné, lundi 18 mars, que l’ordonnance qui leur notifiait leur comparution devant un tribunal soit renvoyée devant le ministère public afin qu’elle soit « régularisée ». En conséquence le procès qui devait durer jusqu’au 27 mars a été reporté.

Les avocats de la défense avaient en effet pointé à l’ouverture du procès, lundi matin, l’« irrégularité » de l’ordonnance de 176 pages qui, rendue avec deux jours d’avance sur le délai légal, les aurait privés de la possibilité de déposer leurs dernières observations.

« Ils ont utilisé des moyens de procédure pour noyer le poisson et se préserver d’une condamnation presque certaine, car ils ont les moyens de se payer des avocats. C’est honteux », a réagi Marc Cherqui, le prévenu par lequel l’affaire a été révélée.

Valise égarée

Le 19 octobre 2012, de retour d’un voyage d’affaires au Nigeria, M. Cherqui, directeur financier du groupe, avait déclaré la perte de son bagage à l’aéroport de Marseille-Marignane. La valise qui avait été retrouvée puis confiée aux douanes, contenait, rangés en liasses de 100, quelque 250 000 dollars (220 200 euros).

L’enquête a ensuite mis au jour, selon l’accusation, un vaste système de corruption avec « une volonté assumée » par le groupe qui pèse 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires et « qui ne paye aucun impôt en France, de se soustraire au paiement des impôts légitimement dus » en soudoyant des agents de recouvrement de trois pays africains en cas de redressement. En 2011 et 2012, le montant total des pots-de-vin versés par la société cotée en Bourse au Nigeria, en Guinée équatoriale et au Cameroun est estimé par les enquêteurs à environ 3 millions d’euros.

Outre la société en tant que personne morale, trois des principaux dirigeants du groupe dont le siège est à Marseille sont poursuivis pour « corruption active d’agents publics étrangers » : Gaël Bodénès, directeur général actuel de la société, celui de l’époque des faits Christian Lefèvre, ainsi que Laurent Renard, directeur général adjoint. M. Cherqui et quatre autres cadres comparaissent eux pour complicité.

Pour l’entreprise aux 8 400 employés, durement touchée par la chute des cours du pétrole il y a quatre ans, ce procès tombe « au plus mal » et pourrait perturber durablement ses relations avec ses partenaires internationaux, avait reconnu avant le procès l’avocat de la société, MLudovic Malgrain.

« Sur ordre »

A l’annonce de leur nom, lundi matin, les huit prévenus en costume sombre et chemise claire, âgés de 47 à 61 ans, se sont alignés sur le banc. Au milieu d’eux, nerveux, Marc Cherqui s’était isolé de ses supérieurs hiérarchiques avant que ne débute l’audience.

Devant les journalistes, le directeur financier s’était défendu en expliquant avoir agi « sur ordre ». « Je n’étais pas un négociateur », a assuré l’ex-salarié qui souhaitait la tenue du procès pour « retrouver une vie normale ».

« Bourbon m’a mis à genou, il a sali mon nom et m’a pris pour bouc émissaire », a déploré l’ancien employé qui assure avoir été relevé de toutes ses fonctions moins de quinze jours plus tard après des dénonciations.

Selon l’avocat de la société, Me Ludovic Malgrain, M. Cherqui a agi « pour son compte personnel ». L’avocat a argué auprès de l’AFP qu’il n’y avait pas eu d’argent sorti de Bourbon ni d’aucune de ses filiales.