A Budapest, le 15 mars. / LISI NIESNER / REUTERS

Editorial. Longtemps, Manfred Weber a préféré temporiser avec Viktor Orban. Le chef du groupe du Parti populaire européen (PPE), qui rassemble les eurodéputés des partis démocrates-chrétiens et de centre droit, a préféré faire le dos rond devant les écarts croissants du premier ministre hongrois et de son parti, le Fidesz, affilié au PPE, avec les règles de la démocratie. Garder l’enfant rebelle au sein de la famille, pensait-il, était plus sûr que de le rejeter, avec le risque de le voir échapper à tout contrôle.

Mais plus le camp des nationalistes s’est renforcé dans l’Union européenne, plus M. Orban s’est senti intouchable – notamment grâce à la protection du PPE – et plus la posture de M. Weber est devenue intenable. Un premier avertissement, le 12 septembre, n’a pas suffi, lorsque le Parlement européen a adopté une résolution dénonçant les « risques de violation grave de l’Etat de droit » en Hongrie et ouvrant la voie à une possible procédure de sanctions. Divisé, le groupe du PPE, le plus important au Parlement, n’avait pas reçu de consigne de vote, même si Manfred Weber avait personnellement voté en faveur de la résolution.

Cette fois, c’est de l’intérieur du PPE que vient la contestation. Les partis de 13 pays membres ont demandé l’expulsion du Fidesz de leur groupe ; la campagne d’affichage en Hongrie attaquant le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lui-même membre d’un parti affilié au PPE, a été la provocation de trop. C’est sur cette demande d’expulsion que devaient se prononcer les membres du PPE, mercredi 20 mars.

Formuler clairement les règles de l’Etat de droit

M. Weber, lui-même membre de la CSU bavaroise et candidat à la succession de M. Juncker, n’a pas ménagé ses efforts pour tenter d’éviter cette expulsion. Les voix des députés du Fidesz ne seront pas de trop pour son éventuelle élection à la tête de la Commission. Il s’est rendu à Budapest dans l’espoir d’amener Viktor Orban à la modération, mais le premier ministre hongrois n’a que partiellement répondu à ses demandes.

Pour le PPE, dont font partie la CDU d’Angela Merkel et d’Annegret Kramp-Karrenbauer et Les Républicains français, le moment est venu de trancher. Il ne s’agit pas de contester la légitimité de M. Orban, confortablement réélu dans son pays. Il s’agit de formuler clairement les règles du pluralisme et de l’Etat de droit, auxquelles tout parti doit se soumettre s’il veut faire partie des groupes parlementaires démocratiques. On aimerait à cet égard entendre la position de LR, dont le numéro trois sur la liste aux élections européennes, Arnaud Danjean, s’était abstenu le 12 septembre.

Cela vaut aussi pour le groupe socialiste, qui doit affronter les écarts de partis membres comme le PSD roumain, tout aussi répréhensibles que ceux du Fidesz : à laisser s’installer la confusion sur les valeurs fondatrices de l’Union, les partis démocratiques traditionnels creusent leur tombe. L’argument mis en avant par M. Weber, selon lequel exclure le Fidesz l’inciterait à créer un bloc de droite anti-immigration avec les nationalistes polonais, slovaques et tchèques, ne convainc pas les authentiques démocrates de ces pays, qui se battent pour des règles claires et pour l’Etat de droit. Quant à l’hypothèse de la simple suspension du Fidesz, qui permettrait d’éviter une scission du PPE, elle sera interprétée comme un recul de plus. Louvoyer n’est plus possible, il faut choisir.