Laborieusement ressasser une à une les annonces faites depuis vingt-quatre heures. Devant une Assemblée nationale sous tension, Edouard Philippe est arrivé, mardi 19 mars, avec son arsenal de mesures pour empêcher une nouvelle journée de violences en marge des manifestations des « gilets jaunes ». Mais son bouclier n’a pas permis d’endiguer la fureur de l’opposition.

« Je ne reviendrai ni sur le choix du président de la République de passer son week-end au ski au moment où Paris brûlait, ni sur les soirées animées de votre ministre de l’intérieur », a attaqué, lors des questions au gouvernement, Christian Jacob, patron des députés Les Républicains, évoquant les images de Christophe Castaner, lors d’une soirée dans un restaurant, publiées dans la presse people, quelques jours avant les heurts sur la grande artère parisienne. « Vous comprendrez que les Français soient atterrés par tant de légèreté, d’insouciance et d’incompétence », a embrayé le député LR.

Préfet utilisé « comme fusible »

Quelques heures auparavant, il avait demandé, lors de la conférence des présidents de l’Assemblée, la mise en place d’une commission d’enquête pour avoir une « analyse précise de la chaîne de commandement » qui a opéré samedi. « Votre stratégie de maintien de l’ordre est un échec total », a-t-il asséné au premier ministre.

« Vous saviez que des manifestants ultraviolents allaient être présents en nombre dans la capitale. Comment se fait-il que vous les ayez laissés vandaliser une avenue emblématique de Paris durant plusieurs heures ? », a également lancé la députée socialiste de Paris George Pau-Langevin.

« Samedi, dès 11 heures, les manifestations déclarées se transformaient en émeutes. Les renseignements vous communiquaient les premières remontées du terrain. Vous saviez qu’elles étaient mauvaises. Que s’est-il passé, monsieur le ministre, entre la première constatation des faits et l’adaptation du dispositif ? », a relancé le député LR Eric Diard.

Face à ces reproches, l’exécutif a joué en défense, répétant un même argumentaire. Les dysfonctionnements ont été liés à « la mauvaise exécution d’une stratégie qui avait été fixée par le gouvernement après les événements du 1er décembre », a expliqué Edouard Philippe.

De ce fait, le préfet de police, Michel Delpuech, et deux autres cadres de la préfecture ont été limogés depuis le début de la semaine. « Un préfet comme fusible, si c’était de nature à solutionner un problème, ça se saurait », a ironisé le communiste Sébastien Jumel. « C’est vous le responsable ! », a accusé Christian Jacob en pointant du doigt le premier ministre. « Le préfet de police n’est que l’interprète sur le terrain des décisions politiques. Et ces décisions, c’est vous qui les prenez ! », a également fustigé M. Diard en s’adressant, lui, au ministre de l’intérieur.

Soutien de la majorité

La majorité s’est, elle, montrée en total soutien à l’exécutif. La « réactivité de la réponse, sous l’impulsion très forte du chef de l’Etat, a rassuré notre groupe », a expliqué, en début d’après-midi, Gilles Le Gendre, chef de file des macronistes à l’Assemblée, lors d’une conférence de presse. Les attaques des oppositions, en particulier des socialistes, ont fortement agacé les soutiens du gouvernement. « Ils ne voient pas l’incohérence d’avoir d’un côté voté contre la loi anticasseurs et de l’autre de s’en prendre à l’exécutif en disant que la réponse n’a pas été assez ferme sur les Champs-Elysées », dénonce la députée LRM de l’Essonne Marie Guévenoux.

Lundi soir, sur le plateau de France 2, Edouard Philippe a reconnu qu’il y aurait « plus de risques » avec la mise en place d’une stratégie de maintien de l’ordre « plus ferme ». « Je sais, en disant cela, que j’accrois la pression sur les forces de l’ordre ainsi que leur obligation d’exemplarité », a reconnu le premier ministre, mardi. La crainte qu’il y ait des atteintes plus graves, voire des morts, n’inquiète cependant plus autant qu’au début du mouvement dans la majorité.

« Les mecs, c’est des tueurs, je n’ai pas de scrupules », lâchait mardi soir un député LRM du Sud-Ouest. « Ce que nous disent les gens dans nos circonscriptions c’est il faut que tout cela cesse », ajoute un élu de l’Ouest. « Toute personne doit être consciente que, si elle participe à un rassemblement interdit, cela pourra mener à des actions de contact probablement plus vif, plus rude », prévenait pour sa part M. Le Gendre. « Tout le monde voit le risque, on l’assume », ajoutait-il, tablant sur la « capacité de dissuasion » de la stratégie de maintien de l’ordre. « De nombreux Français n’acceptent, ne tolèrent, ne comprennent pas ces violences », a résumé Edouard Philippe en réunion de groupe. Prêt à risquer de nouveaux tollés face à l’opposition dans les semaines qui viennent.