France 2, mercredi 20 mars à 21 h 05, téléfilm

Les mots manquent pour qualifier l’inceste : ignoble, immonde, abject… L’immense attrait d’Un homme parfait est d’ajouter à cette liste de lieux communs les mots amour, intelligence, beauté. Tout devient alors plus compliqué, plus intéressant aussi. Tiré du livre Un fils parfait, de Mathieu Menegaux, lui-même inspiré d’un fait réel, la fiction réalisée par Didier Bivel pousse les présupposés à l’extrême.

Maxime, le père incestueux, est beau, brillant, intelligent et aimé de son épouse Daphné, wonder woman performante avec laquelle il forme un couple CSP++, comblé par leurs deux petites filles, Claire et Lucie. Voisins et amis peuvent d’ailleurs en témoigner. Dans ce cadre doré, comment croire Claire lorsqu’elle écrit à sa mère que son père lui a fait « lécher son zizi plein de mousse » ?

Toutes les ambivalences des relations humaines sont alors ­exploitées, motivées par le plus puissant des sentiments, l’amour. Celui de Daphné pour son mari, qui la fait douter de la parole de ses filles ; très rapidement supplanté par l’amour maternel, ­instinctif et aussi excessif que ­celui de la mère de Maxime pour son fils – thème au cœur du livre. Sans oublier l’amour filial, qui empêche les petites filles de témoigner, de peur que l’on fasse du mal à leur papa.

Intensité dramatique

Maxime, c’est l’intelligence au service du mal. L’interprétation ambivalente à souhait de Loïc Corbery, de la Comédie-Française, fait monter l’intensité dramatique d’un cran – un crescendo hélas trop appuyé par la musique. Son machiavélisme contraste avec l’intelligence relative dont le téléfilm dote l’administration, qu’elle soit policière, judiciaire ou hospitalière. Pour culminer avec l’inéluctable « parole contre parole ».

Qui croire, ce gendre idéal et père attentionné ou cette mère si souvent absente et internée dans son adolescence ? L’interpré­tation à fleur de peau d’Odile Vuillemin entretient le doute par son regard perdu (la comédienne joue d’ailleurs souvent les folles) et ses actes pas uniquement dictés par la raison.

Face à eux, le téléspectateur ne met pas un instant en doute la bonne foi de Daphné ni les paroles de ses filles, jouées magnifiquement par Lilas-Rose Gilberti-Poisot (Claire) et Milla Dubourdieu (Lucie). Il craint en revanche de plus en plus, au fil des minutes, que la vérité n’éclate jamais.

Sous-tendue par de très bons ­seconds rôles, cette fiction glaçante happe le spectateur

Impatient, on se rabat sur certaines incohérences. Pourquoi la mère n’enregistre-t-elle pas les déclarations de ses filles à leur insu, au lieu de les prévenir – « maman va faire un film » –, ce qui a pour conséquence prévisible de les rendre mutiques ? Or, sans preuve, la police ne peut rien faire.

Sous-tendue par de très bons ­seconds rôles, amis et parents essentiels à l’intrigue, cette fiction glaçante happe le spectateur. Aussi aurait-elle mérité une fin plus travaillée – ce qui faisait déjà défaut dans le livre. Sans spoiler, l’épilogue rappelle que faire reconnaître un acte incestueux en France reste un combat à l’issue incertaine : « La notion d’inceste n’a été introduite dans le code pénal que le 14 mars 2016. (…) Au-dessus de 5 ans, le législateur n’exclut pas d’office que l’enfant puisse être consentant. »

Fiction UN HOMME PARFAIT - Extrait 1
Durée : 00:30

Un homme parfait, réalisé par Didier Bivel. Avec Odile Vuillemin, Loïc Corbery, Didier Flamand, Frédérique Tirmont, Natalia Dontcheva (Fr., 2019, 95 min). www.france.tv/france-2