Le député français d’origine rwandaise Hervé Berville (LRM) représentera la France lors des cérémonies de commémoration du génocide des Tutsi. D’avril à juillet 1994, près de 800 000 personnes avaient été massacrées au Rwanda. / JACQUES DEMARTHON / AFP

Invité officiellement par Paul Kagame, président du Rwanda, à participer aux commémorations du 25e anniversaire du génocide des Tutsi, Emmanuel Macron ne se rendra pas à Kigali le 7 avril. La France, dont le rôle au printemps 1994 est sujet à de nombreuses controverses, sera représentée par Hervé Berville, député de la deuxième circonscription des Côtes-d’Armor et porte-parole de la République en marche (LRM) au Parlement.

La présence de ce proche de Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, peut être vue comme un symbole fort. Agé de 29 ans, Hervé Berville est né au Rwanda où il a perdu ses parents pendant le génocide au cours duquel 800 000 à 1 million de Tutsi et Hutu modérés ont été massacrés en seulement cent jours. Evacué à l’âge de 4 ans par des soldats français, il a été adopté par un couple installé dans le village de Pluduno (Côtes-d’Armor). Là, entre un père chaudronnier et une mère laborantine, il a appris à se sentir « Français, Breton », comme il l’a confié au journal Libération, sans jamais avoir souffert de racisme au cours d’une « enfance heureuse » qu’il qualifie même de « bretonne pur beurre ».

« C’est un parcours singulier, mais un parmi d’autres, ajoute t-il dans ce portrait réalisé en janvier 2018. L’histoire du pays où je suis né donne ce poids et résonne, je comprends cet intérêt plutôt bienveillant, mais il ne faut pas que cela me définisse. » Hervé Berville fait ensuite ses études à l’Institut d’études politiques de Lille puis à la London School of Economics, où il décroche une maîtrise en histoire économique et se spécialise en macroéconomie. En 2013, il s’installe à Maputo, capitale du Mozambique, où il travaille pour l’Agence française du développement (AFD). Deux ans plus tard, il part pour le Kenya où il devient chargé de programme au sein de l’Université Stanford.

C’est à l’automne 2015 qu’Hervé Berville se lance en politique, en rejoignant les Jeunes avec Macron quelques mois après le lancement du mouvement. Aux élections législatives de 2017, il remporte le siège de député de la deuxième circonscription des Côtes-d’Armor avec 64,1 % des voix et devient porte-parole du groupe parlementaire LRM, et membre de la Commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale. Il est l’auteur d’un rapport sur la modernisation de la politique de développement et de solidarité internationale qui a été remis en août au premier ministre, dans lequel il plaide l’idée qu’« il n’existe plus d’instance politique formelle décidant de l’allocation de l’aide publique au développement ».

« Souviens-toi »

L’absence du chef de l’Etat français ou de l’un de ses ministres à Kigali peut surprendre. Selon Jeune Afrique, c’est en raison « de la proximité des élections européennes », prévues entre le 23 et le 26 mai, qu’Emmanuel Macron ne se rendrait pas à l’invitation officielle. Les commémorations « Kwibuka 25 » (« souviens-toi il y a vingt-cinq ans », en kinyarwanda, la langue communément parlée) sont prévues le 7 avril, date qui correspond au lendemain de l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, élément déclencheur des massacres.

« La question n’est pas nécessairement la présence d’Emmanuel Macron à Kigali, même si cela aurait été perçu comme un symbole, indique Fabrice Tarrit, coprésident de Survie, une association qui milite pour une refonte de la politique étrangère de la France en Afrique. Ce que nous attendons, plus qu’un déplacement, c’est que les plus hautes autorités françaises admettent enfin le soutien multiforme apporté par l’Etat français aux génocidaires. »

Depuis la fin du génocide des Tutsi, les relations entre la France et le Rwanda ont connu plusieurs phases, au gré notamment des chapitres de l’enquête menée en France sur la mort de Juvénal Habyarimana. En 2010, Nicolas Sarkozy fut le premier chef d’Etat français à se rendre au « pays des 1 000 collines » depuis 1994. Après une visite au Mémorial des victimes de Kigali, il reconnaît « les erreurs » de la France. « Ce qui s’est passé ici a laissé des traces indélébiles, inacceptables et oblige la communauté internationale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs qui l’ont empêchée d’arrêter ce crime épouvantable », avait-il affirmé, sans toutefois formuler d’excuses ni de repentance.

Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, les relations entre les deux pays se sont encore réchauffées. En mai 2018, Paul Kagame avait été reçu à l’Elysée pour la première fois depuis 2011. Cette rencontre faisait suite à une autre, organisée en marge d’un sommet sur l’énergie solaire à New Delhi, et, six mois plus tôt, lors de la dernière assemblée générale des Nations unies, à New York. Le soutien de la France à Louise Mushikiwabo, ancienne cheffe de la diplomatie de Paul Kagame, à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) était apparu comme un geste fort de ce rapprochement. Même si, depuis 2015, il n’y a toujours pas d’ambassadeur de France au Rwanda.