• Ensemble Près de votre oreille
    Come Sorrow
    Songs de Robert Jones, John Dowland, Tobias Hume. Ensemble Près de votre oreille, Anaïs Bertrand (mezzo soprane), Nicolas Brooymans (basse), Thibaut Roussel (luth), Robin Pharo (viole de gambe et direction)

Pochette de l’album « Come Sorrow », œuvres de Robert Jones, John Dowland et Tobias Hume par l’ensemble Près de votre oreille. / PARATY / HARMONIA MUNDI

Premier opus discographique du tout jeune ensemble Près de votre oreille, fondé en 2017 par le violiste Robin Pharo, Come Sorrow fait la part belle à la musique élisabéthaine. Aux côtés de musiciens plus connus, comme John Dowland ou Tobias Hume, des pièces d’Alfonso Ferrabosco II et surtout de Robert Jones, luthiste et compositeur pour lequel nos quatre musiciens se sont pris d’amitié : son Come Sorrow donne d’ailleurs son nom à l’album. Dans un répertoire où le luth se taille habituellement la part du lion, les sept pièces de Jones (sur 21 songs) livrent un rare témoignage de l’utilisation de la viole de gambe dans le répertoire vocal anglais.

Ce programme intimiste, remarquablement équilibré entre pièces allantes ou mélancoliques, duos et pièces solistes, est servi avec un soin jaloux, une grâce d’expression et une justesse de sentiment qu’exaltent la voix chaude et pure d’Anaïs Bertrand, et le timbre riche et viril de Nicolas Brooymans. Que ce soit en duo (les inconnus O How My Thoughts et Did Ever Man Thus Love as I, de Jones) ou en solo (What Greater Grief et The Souldiers Song de Hume). Le luth de Thibaut Roussel et la viole de Robin Pharo portent cette même vocalité, entre délicatesse et spiritualité, lyrisme et expressivité – en témoignent la fameuse Frog Galliard et le sublime Flow My Tears de Dowland. Près de votre oreille certes, mais aussi tout contre votre cœur. Marie-Aude Roux

1 CD Paraty/Harmonia Mundi.

  • Jacques Fromental-Halévy
    Le Dilettante d’Avignon

    Solistes, Chœur et Orchestre régional Avignon Provence sous la direction de Michel Piquemal.

Pochette de l’album « Le Dilettante d’Avignon », opéra de Fromental Halévy. / KLARTHE

Créé en 1829, six ans avant La Juive, qui propulsa Halévy (1799-1862) au firmament du grand opéra français, Le Dilettante d’Avignon tourne en dérision le culte excessif alors voué à l’Italie sur les scènes lyriques à Paris et en province. Personnage central de cette farce en un acte, le directeur de l’Opéra d’Avignon ne jure que par la langue de Dante – dont il ne pipe mot – au point de troquer son nom de Maisonneuve contre celui de Casanova. Nul besoin d’avoir vécu dans la cité des Papes et encore moins à l’époque de Rossini, souvent imité dans la partition, pour se délecter de ce savoureux divertissement. Pierre Gervasoni

2 CD Klarthe.

  • Andrew Bird
    My Finest Work Yet

Pochette de l’album « My Finest Work Yet », d’Andrew Bird. / LOMA VISTA / CONCORDE MUSIC

Il faut être extraordinairement sûr de son fait pour se risquer à intituler son disque Mon plus bel ouvrage à ce jour, qui plus est en posant sur une pochette qui revisite la célèbre toile de David, La Mort de Marat (1793). Heureusement, le songwriter américain Andrew Bird a réussi son coup. Ce multi-instrumentiste (et merveilleux siffleur) n’a pourtant plus rien à prouver, fort d’une quinzaine d’albums solo raffinés, dont le précédent Are You Serious (2016) plaçait déjà la barre haut. Si musicalement, ces dix nouvelles compositions exhalent un parfum gospel-jazz des années 1960, produit en prise directe par Paul Butler (Michael Kiwanuka, Devendra Banhart…), les paroles tranchent par une vision critique de notre époque – le mélancolique Bloodless, chanson matrice de l’album, a été écrit après l’élection de Donald Trump. Cela n’empêche pas l’oiseau Bird de défier toute pesanteur grâce à ses mélodies charmeuses. Franck Colombani

1 CD Loma Vista/Concorde Music.

  • Oyvind Torvund
    The Exotica Album

Pochette de l’album « The Exotica Album », d’Oyvind Torvund. / HUBRO / OUTHERE

Compositeur, au fait des formes de la musique classique et de la musique contemporaine, guitariste au sein de groupes rock allant jusqu’à l’expérimentation et l’improvisation free jazz, le Norvégien Oyvind Torvund nous enchante, dans The Exotica Album, avec une superbe suite de thèmes, voyage musical évocateur d’une forêt tropicale avec pluie, oiseaux, arc-en-ciel, nuit étoilée, recoins secrets, lever du jour… Un foisonnement de genres (ambiances de musiques de films de série B, transformation des sons, jazz...), qui se complètent, avec une attention constante à la lisibilité mélodique. Interprète de cette partition, le Bit20 Ensemble, formation de cordes, vents (clarinette, basson, flûte, trompette…) et percussions, le saxophoniste Kjetil Moster et le manipulateur d’instruments électroniques, Jorgen Træen. Sylvain Siclier

1 CD Hubro/Outhere.

  • Les Innocents
    6 ½

Pochette de l’album « 6 ½ », des Innocents. / RCA / SONY

Rare exemple de reformation souhaitable car potentiellement féconde, celle des Innocents (groupe qui s’était réduit lors de sa première existence, dans les années 1990, au binôme d’auteurs-compositeurs JP Nataf et Jean-Christophe Urbain) avait largement tenu ses promesses en 2015 avec Mandarine, album récompensé aux Victoires de la musique. Son successeur au titre fellinien, 6 ½, ne réserve guère de surprises en creusant la même veine pop acoustique – avec quelques fragrances country et tropicales – mais qui s’en plaindrait ? Peu de chanteurs d’ici (Sheller ? Voulzy ?) auront su approcher de si près les secrets mélodiques de Lennon et McCartney. Ce que confirment ces dix ballades et douceurs, délicatement harmonisées par deux quinquas sentimentaux, fragiles et inquiets. Les textes, en images et paysages, sont en effet hantés par la disparition, et seule la musique semble apporter le réconfort, du lumineux Quand la nuit tombe à la saudade d’Opale ou à Slow #1, touchante ode à un exercice musical, dansant et amoureux tombé en désuétude, comme ce délicieux « chérie » supplié au refrain. Bruno Lesprit

1 CD RCA/Sony.

  • Orville Peck
    Pony

Pochette de l’album « Pony », d’Orville Peck. / SUB POP

Du renouveau dans la tradition, apparue à Hollywood dans les années 1920, des cow-boys chantants. Le garçon qui se dissimule derrière le personnage d’Orville Peck fait tout pour qu’on le remarque. Comme The Lone Ranger, il n’apparaît jamais sans son masque – un moyen, c’est connu, de s’exhiber plutôt que de se cacher –, celui-ci à longues franges, comme un étrange compromis entre l’accessoire SM et la burqa. Il met en avant son identité sexuelle, quand bien même un cowboy gay n’étonne plus grand monde depuis le triomphe, en 2005, du Secret de Brokeback Mountain. Tout cela semble relever d’une image soigneusement travaillée et serait irritant n’étaient-ce les fascinantes chansons de ce premier album croonées avec majesté par un baryton mi-Billy Idol (dans les graves) mi-Chris Isaak (dans les aigus), explorant une voie singulière entre les romances tragiques de Roy Orbison et le son caverneux de The Jesus & Mary Chain. Conteur né, Orville Peck sublime ses dérives nocturnes dans de miteux motels des Grandes Plaines ou autour de feux de camp. Un candidat au disque de l’année rayon americana. B. Lt

1 CD Sub Pop.