Selon des résultats préliminaires, sur la base de 90% des bulletins de vote dépouillés, plus de 7,3 millions d’électeurs thaïlandais ont voté pour le parti de la junte, le Palang Pracharat, selon la commission électorale. / LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP

Le Palang Pracharat, parti proche de la junte militaire actuellement au pouvoir, est arrivé en tête des premières législatives organisées depuis le coup d’État de 2014, selon des résultats préliminaires publiés dimanche 24 mars par la commission électorale. Ces résultats, s’ils se confirment, donnent de bonnes chances aux généraux de garder la main sur le gouvernement.

Sur la base de 90 % des bulletins de vote dépouillés :

  • Près de 7,3 millions d’électeurs (sur un total de quelque 50 millions) ont voté pour le parti de la junte, le Palang Pracharat.
  • Près de 6,8 millions ont voté pour le plus grand parti d’opposition, le Pheu Thai.
  • Près de 5 millions ont voté pour le nouveau parti du Nouvel Avenir
  • Près de 3 millions ont voté pour les conservateurs du Parti démocrate

Le nombre de sièges obtenus par chaque parti ne sera révélé que lundi matin, le vote populaire ne donnant qu’une tendance générale, les 500 sièges de députés étant attribués en vertu d’un système électoral complexe.

Un nouveau parti d’opposition pourrait jouer un rôle clef

A première vue, cela ressemble à un revers pour le Pheu Thai, le parti de l’ex-premier ministre Thaksin Shinawatra, qui jusqu’ici remportait toutes les élections nationales depuis près de vingt ans.

Mais par le jeu des alliances entre partis, tout peut encore arriver : la surprise de ce scrutin est le bon résultat du Parti du Nouvel Avenir. Son fondateur, le milliardaire quadragénaire Thanathorn Juangroongruangkit, pourrait se retrouver à jouer un rôle clef. « Nous ne savons pas encore avec quel parti nous allons faire alliance », a-t-il déclaré dimanche soir, assurant que ses observateurs n’avaient relevé que « des irrégularités mineures ».

Quant au vieux parti Démocrate, son chef, l’ex-premier ministre Abhisit Vejjajiva, a démissionné après des résultats décevants.

Le chef de la junte s’est donné un avantage dans la Constitution de 2016

Depuis des années, la Thaïlande est profondément divisée entre des factions favorables à la famille influente des Shinawatra (les « rouges ») et une élite conservatrice alignée sur l’armée (les « jaunes ») qui se présente comme un gage de stabilité et de protection de la monarchie.

Samedi soir, le roi de Thaïlande, Rama X, dont les interventions publiques sont rarissimes, a appelé à « soutenir les bonnes personnes » pour « empêcher de semer le chaos ». Il reprenait des termes employés en 1969 par son père Bhumibol Adulyadej, adoré des Thaïlandais et mort en 2016. Le message cryptique de Rama X, dont l’influence dans le royaume va bien au-delà de son statut de monarque constitutionnel, a été diffusé à plusieurs reprises par les chaînes de télévision jusqu’à l’ouverture des bureaux de vote.

De nouvelles règles électorales limitent les chances de voir un seul parti acquérir à lui seul une majorité parlementaire confortable, d’après des observateurs qui craignent « une impasse » politique. Mais les généraux, qui ont mis en place des politiques de subventions aux agriculteurs et aux plus âgés pour s’attirer leurs voix, entendent bien conserver le pouvoir. Prayut Chan-O-Cha, chef de la junte, s’est aménagé un avantage confortable avec une Constitution, adoptée en 2016, qui donne aux militaires le pouvoir de nommer les 250 membres du Sénat.

Prayut Chan-O-Cha, candidat du Phalang Pracharat, le parti pro-junte. / LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP

Il suffit donc au Phalang Pracharat, le parti pro-junte, d’obtenir 126 sièges sur les 500 que compte la Chambre des représentants pour garder le contrôle du pays. Les autres mouvements politiques, au premier rang desquels le principal parti d’opposition le Pheu Thai, devront quant à eux gagner 376 sièges pour pouvoir former un gouvernement.

Populaires dans les régions rurales et pauvres peuplées du nord et du nord-est, les partis « rouges » ont remporté toutes les élections depuis 2001, mais ils sont privés sur le terrain de leurs figures emblématiques : Thaksin Shinawatra et sa sœur Yingluck, évincés par des coups d’Etat en 2006 et 2014, vivent en exil pour échapper à des poursuites qu’ils jugent politiques.

Autre coup dur pour le clan Shinawatra, un parti très proche, le Thai Raksat Chart, a été dissous en février par la Cour constitutionnelle et ses dirigeants bannis de la vie politique pour dix ans. Ils ont été jugés coupables d’actes « hostiles envers la monarchie » pour avoir proposé la sœur du roi, la princesse Ubolratana, comme candidate au poste de Premier ministre.

Comment la Thaïlande est redevenue une dictature militaire
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