Didier Deschamps, le 21 mars, à Chisinau. / FRANCK FIFE / AFP

Sélectionneur le plus capé de l’histoire de l’équipe de France, Didier Deschamps dirigera les Bleus pour la 91e fois contre l’Islande, lundi 25 mars, à Saint-Denis, dans le cadre des qualifications à l’Euro 2020. S’il a pulvérisé le record détenu par son prédécesseur Raymond Domenech (79 rencontres, de 2004 à 2010) lors du Mondial 2018, le Bayonnais s’apprête à parfaire sa légende : nommé en juillet 2012, il pourrait battre un autre record, celui de la longévité à son poste, devant Michel Hidalgo, patron des Tricolores durant huit ans (1976-1984).

Sous contrat jusqu’à l’Euro 2020, auréolé du sacre mondial en Russie, « DD » devrait prolonger son bail de deux ans, cet automne, une fois acquise la qualification pour le prochain tournoi continental. Et ainsi étirer son règne sur une décennie. Avec un horizon : la Coupe du monde au Qatar (novembre-décembre 2022).

« Ce serait dans la logique des choses qu’il défende son titre mondial au Qatar et dispute sa troisième Coupe du monde comme sélectionneur, il bouclerait ainsi la boucle. Didier Deschamps semble en avoir envie », confie-t-on à la Fédération française de football (FFF). « Je le pense et l’espère pour la FFF », confirme un élu fédéral.

L’Allemand Joachim Löw comme modèle

Avant la victoire (4-1) en Moldavie, vendredi 22 mars, le capitaine des champions du monde 1998 n’a pas caché son ambition de prolonger son contrat. « Continuer jusqu’à la prochaine Coupe du monde, évidemment, ce n’est pas quelque chose qui me déplairait », a assuré Didier Deschamps, 50 ans, à l’AFP. Dans les colonnes de L’Equipe, il a ensuite précisé qu’il aspirait à arrêter « le plus tard possible. » « Aujourd’hui, il y a l’objectif 2020, avec cet Euro. Continuer après est une possibilité. »

Son modèle est son homologue allemand Joachim Löw, en poste depuis 2006, vainqueur du Mondial brésilien de 2014. Malgré une élimination au premier tour en Russie, le patron de la Nationalmannschaft est censé rester à la barre jusqu’au terme de son contrat, en 2022. « C’est un bel exemple de longévité et de continuité », disait récemment Deschamps au Monde à propos de M. Löw.

Le tandem Le Graët-Deschamps

La probable prolongation du bail du sélectionneur des Bleus renvoie au tandem qu’il forme avec Noël Le Graët (« NLG »), 77 ans, président de la FFF depuis 2011. Une parfaite osmose règne entre le Bayonnais et le Breton, ex-patron du club de Guingamp (1972-2011). Les deux hommes se retrouvent sur l’essentiel : un pragmatisme à toute épreuve, le culte de la victoire et du résultat, quelle que soit la manière.

Celui qui gère la FFF en capitaine d’industrie connaît son sélectionneur de longue date. En tant que président de la Ligue de football professionnel (1991-2000), Le Graët a longtemps été aux premières loges pour suivre l’épopée des Tricolores de Deschamps. Au gré des compétitions, il a appris à apprécier les qualités de meneur d’hommes du Basque.

Naturellement, à l’été 2012, c’est vers lui que le Costarmoricain se tourne pour prendre la suite du sélectionneur Laurent Blanc, fraîchement éliminé par l’Espagne en quarts de finale de l’Euro. Agacé par la culture du secret de l’ex-défenseur des Bleus et par son désintérêt pour les affaires fédérales, Le Graët instaure d’emblée un lien de confiance avec son successeur.

Front commun

Il faut dire que Deschamps se prête volontiers au jeu de la politique et s’implique, avec une habileté qui confine au funambulisme, dans la vie de la FFF. Le sélectionneur n’hésite pas à participer aux petits déjeuners organisés avec les sponsors de la fédération et aux réunions avec les bénévoles. Il se rend également à l’assemblée fédérale, où il sert des mains et flatte l’orgueil des élus et représentants du foot amateur.

Dans les moments les plus pénibles, « NLG » et Deschamps ont fait front commun. Ce fut le cas lors du feuilleton Karim Benzema. En avril 2016, le tandem décide, de concert, de priver d’Euro l’attaquant du Real Madrid, mis en examen dans l’affaire du chantage à la sextape, dont son ex-coéquipier tricolore Mathieu Valbuena est la victime.

D’un optimisme légendaire, le patron de la FFF a toujours soutenu son sélectionneur lorsque le sol menaçait de se dérober sous ses pieds, comme en novembre 2013, avant le barrage retour victorieux (3-0 après une défaite 2-0 à l’aller) face à l’Ukraine, synonyme de qualification pour le Mondial 2014 au Brésil.

En retour, Deschamps est le principal argument électoral de son président. En mars 2017, le Bayonnais est sorti de sa réserve en soutenant publiquement son patron, avant sa réélection pour un troisième mandat. De son côté, Le Graët ne ­cache pas son souhait de voir son sélectionneur lui succéder, un jour, à la présidence de l’institution.

Ce n’est pas un hasard si Deschamps jouit d’un statut privilégié : il a toujours bénéficié de contrats confortables et a ainsi pu voir loin. En octobre 2017, son bail à la tête des Bleus avait été une troisième fois renouvelé.

L’après-2020 en question à la fédération

Le calendrier politique renvoie aussi à une interrogation : Didier Deschamps pourrait-il œuvrer en toute sérénité avec un autre patron que Noël Le Graët, dont le mandat expire en décembre 2020 ? Soigné pour une leucémie avant le Mondial 2018, le septuagénaire aspire à terminer son mandat et ne devrait pas, selon toute vraisemblance, se représenter. « En 2020, il sera peut-être temps d’arrêter », a récemment glissé « NLG » à Ouest-France.

« Si Didier accepte de prolonger, c’est qu’il se sera déjà fait à l’idée qu’il devra fonctionner avec un autre président, que le tandem magique du foot français ne sera plus en place », affirme un fin connaisseur de la FFF. Parmi les successeurs putatifs de M. Le Graët figure Jean-Michel Aulas, 70 ans, emblématique président de l’Olympique lyonnais et membre du comité exécutif de la FFF depuis 2017.

Même s’il s’en défend publiquement, le patron du club rhodanien donne l’impression d’avancer ses pions et songe à préparer sa succession à l’OL. « Je réfléchis aux meilleures modalités de fonctionnement d’un OL, ayant ses infrastructures et des qualités économiques qui lui permettent de se renouveler, avec ou sans moi. Mais sans que ça pénalise la performance de l’OL si je n’y suis pas », a confié « JMA » au Monde, en janvier.

La probable prolongation du contrat de Didier Deschamps a fait, par ailleurs, réémerger la question de sa succession. Un passage de témoin qui pourrait être effectué, en toute logique, après le Mondial 2022. Perçu par les observateurs comme le prochain sélectionneur, Zinédine Zidane vient de parapher un contrat avec le Real Madrid jusqu’en… juin 2022. De là à y voir une sorte d’alignement des planètes, il n’y a qu’un pas.