La speaker de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et Donald Trump. / SAUL LOEB / AFP

En concluant à l’absence de collusion entre l’équipe de campagne de Donald Trump et la Russie, lors de la présidentielle de 2016, le rapport du procureur spécial Robert Mueller enterre l’espoir caressé par certains démocrates que le président républicain puisse être écarté du pouvoir avant même la fin de son premier mandat. Contraints de se rendre à l’évidence sur ce premier point, les adversaires du président n’entendent cependant pas se satisfaire de la décision du ministre de la justice, William Barr, qui a choisi également d’écarter la thèse d’une obstruction à la justice dans la note qu’il a rendue publique dimanche 24 mars.

Les démocrates s’appuient sur le fait que Robert Mueller n’a pas pris position à propos des soupçons d’obstruction à la justice pour demander la publication dans son intégralité de son rapport afin qu’ils puissent se faire leur propre jugement, tout comme l’opinion publique américaine. La lettre de William Barr, qu’ils ne considèrent pas comme « neutre », « pose autant de questions qu’elle apporte de réponses », ont estimé la speaker (présidente) de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi (Californie), et le chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer (Etat de New York). « Il est urgent que le rapport complet et tous les documents associés soient rendus publics », ont-ils répété. Une guérilla risque donc s’ouvrir entre la Chambre et l’administration Trump sur ce point.

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Réticences de la speaker

L’épilogue de l’enquête Mueller avait été en grande partie anticipé par Nancy Pelosi. Dans un entretien publié par le Washington Post, le 11 mars, la speaker de la Chambre des représentants, théâtre du premier acte de toute procédure de destitution, avait exprimé son opposition à cette perspective. Elle avait jugé qu’elle « diviserait considérablement le pays ». Mme Pelosi avait estimé qu’un impeachment ne pourrait être envisagé « que dans le cas où il y aurait quelque chose de vraiment convaincant et accablant » mis au jour par les enquêtes en cours, et que si elle est « soutenue par les deux partis », démocrate et républicain. Robert Mueller a répondu par la négative sur le premier point, ce qui coupe court à tout éventuel processus bipartisan.

Les réticences de la speaker s’expliquent par la faible popularité d’un processus d’impeachment, en dépit de l’image majoritairement négative du président. Le soutien à une destitution a d’ailleurs baissé de sept points de décembre à mars dans le baromètre de la chaîne CNN (36 % au lieu de 43 %). Il reste majoritaire dans le camp démocrate, mais il y est également en net repli (68 % au lieu de 80 % trois mois plus tôt).

L’un des candidats à l’investiture démocrate à la présidentielle, Pete Buttigieg, a jugé que les conclusions de dimanche « prouvent que ce serait une erreur pour les démocrates de penser que pour mettre fin à la présidence de Trump, il faut procéder à une enquête ». Une invitation à se concentrer sur les questions de santé, d’égalité sociale et d’environnement où les démocrates sont en phase avec l’opinion américaine. Une aile du parti continue pourtant de militer pour une destitution et pour une pression maximale, au risque d’encourir l’accusation d’acharnement judiciaire et de transformer Donald Trump en victime de son opposition.

Maintenir la pression sur Washington

Quoi qu’il en soit, la fin de l’enquête du procureur spécial ne signifie pas celle des tracas du président. Ce dernier est en effet la cible d’une série d’autres investigations. A commencer par celles qui portent sur l’achat du silence de deux femmes qui assurent avoir eu des relations extraconjugales par le passé avec le magnat de l’immobilier. Les sommes versées constituent potentiellement des infractions aux règles sur le financement des campagnes électorales. La justice s’intéresse également aux dons versés au comité chargé d’organiser la cérémonie d’investiture de janvier 2017, pour mettre au jour d’éventuels achats d’influence.

Elle cherche aussi à savoir si les sommes dépensées par des gouvernements étrangers à des établissements qui appartiennent toujours à Donald Trump, dont son hôtel à Washington, constituent des violations à la règle qui interdit à un président en exercice de recevoir de l’argent d’une puissance étrangère. La majorité des juristes considère cependant qu’on ne peut pas le poursuivre pendant son mandat pour ce genre de délits.

Depuis le changement de majorité à la Chambre des représentants, après les élections de mi-mandat en novembre 2018, l’administration de Donald Trump fait désormais l’objet d’un contrôle prévu par la Constitution au nom de l’équilibre des pouvoirs.

C’est dans ce cadre que la commission de surveillance et de la réforme a annoncé le 21 mars que Ivanka Trump, fille du président et puissante conseillère de la Maison Blanche, n’a pas conservé tous ses courriels officiels comme l’exige la loi fédérale, et que son mari, Jared Kushner, a utilisé une application de messagerie pour gérer les affaires américaines en dehors des canaux gouvernementaux. Pendant la campagne présidentielle, Donald Trump n’avait cessé d’accabler son adversaire démocrate, Hillary Clinton, pour avoir utilisé une messagerie et un serveur privé lorsqu’elle dirigeait la diplomatie américaine (2009-2013).

Les moyens d’enquête dont disposent les commissions de la Chambre vont permettre aux démocrates de maintenir la pression sur la Maison Blanche. Le camp républicain, le président en tête, l’a anticipé en dénonçant un « harcèlement présidentiel » au détriment des affaires du pays. Ils vont pouvoir rapidement vérifier si les conclusions de l’enquête « russe » renforcent ou non cette accusation. Et si elles dégagent la voie, comme l’a assuré sur Twitter Dan Scavino, un conseiller de la Maison Blanche, à « SIX ANNEES supplémentaires de TRUMP », sa réélection étant, selon lui, désormais assurée.

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